Adaptation des règles de fonctionnement des ESMS et mesures d'accompagnement social dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire 

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Depuis le 17 mars 2020, les établissement sociaux et médico-sociaux ont été contraints d’adapter leur  organisation et leur fonctionnement afin de faire face à la propagation de l’épidémie du Covid-19 (fermeture des structures d’accueil de jour, maintien au domicile des personnes en situation de handicap particulièrement exposées à des risques de complication, maintien des internats accueillant des mineurs confiés à l’ASE, suspension des visites extérieures, organisation du maintien au domicile des enfants et adultes accueillis en externat, mise en place d’un service minimum d’appui aux familles pour assurer la continuité de l’accompagnement à domicile etc.)[i].

Dans le cadre de la lutte contre l’épidémie du Covid-19, plusieurs mesures ont été décidées afin de protéger les personnes vulnérables et poursuivre l’accompagnement des personnes handicapées confinées à domicile.

Ces mesures poursuivent plusieurs objectifs :

  • Garantir la continuité de l’accompagnement, en adaptant les règles d’organisation et de fonctionnement des établissements sociaux et médico-sociaux
  • Mettre en place des mesures d’accompagnement social.
Cet article décline en deux volets, les mesures d’adaptation concernant les structures elles-mêmes ainsi que les mesures d’accompagnement social mises en œuvre dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

  1. L’adaptation des règles d’organisation et des fonctionnements des établissements de sociaux et médico-sociaux
L’ordonnance n°2020-313 du 25 mars 2020 a pour objectif « d’assurer la continuité de l’accompagnement et la protection » notamment des personnes âgées, des personnes en situation de handicap, des majeurs et mineurs protégés[i].

Elle est prise en application de l’article 11 5° de la loi d’urgence du 23 mars 2020 publiée le 24 mars.

L’article 1er de cette ordonnance vise à « assouplir les conditions d’autorisation, de fonctionnement et de financement des établissements et services afin de permettre l’accompagnement en urgence, de manière temporaire en relais du domicile ou à domicile ».

Il vise également à « fluidifier les réponses à apporter permettant de diversifier les publics accompagnés ».
Ce faisant, elle renforce l’autonomie des Directeurs des ESMS qui pourront adapter leur fonctionnement et leur organisation, en dérogeant à certaines exigences sous le contrôle des autorités administratives.

Elle adapte également les délais des procédures administratives, budgétaires et comptables des ESMS.


  • Quels sont les établissements et services concernés ?
Les mesures concernent tous les services sociaux et médico-sociaux (ESMS) mentionnés au I de l’article L.312-1 du code de l’action sociale et des familles ainsi que les lieux de vie et d’accueil mentionnés au même article.

Sont donc concernés tous les ESMS chargés d’accueillir les personnes en situation de handicap (enfants ou adultes), des personnes âgées, des mineurs confiés à l’ASE, les établissements de la PJJ, les établissements d’aide par le travail (ESAT), les structures d’aide et d’accompagnement à domicile ainsi que les établissements qui accompagnent les personnes en situation d’exclusion (CHRS, centre d’accueil pour les demandeurs d’asile).


  • Quelles sont les mesures d’adaptation des règles d’organisation et de fonctionnement ?
L’ordonnance prévoit 5 catégories de dérogations ayant trait notamment à la nature du public accueilli ou accompagné, aux conditions minimales techniques (lieu d’exercice, répartition des activités, taux d’encadrement), aux qualifications des professionnelles et à l’organisation de l’activité (diversification du public accueilli, accompagnement à domicile).

Elle a pour objectif de permettre aux ESMS d'adapter certaines conditions d'exercice et de prise en charge avec l'objectif de répondre aux besoins et situations urgentes durant la crise sanitaire. 

L'ordonnance vise par ailleurs à faciliter les coopérations entre le secteur de la protection de l’enfance et le secteur médico-social.


Structures pouvant déroger Nature des mesures dérogatoires pouvant être décidées
Structures mentionnées au I de l’article L.312-1 CASF
Dérogation aux conditions minimales techniques et de fonctionnement : délivrer des prestations non prévues dans leur autorisation en dérogeant aux conditions minimales techniques d’organisation et de fonctionnement
  • Recourir à un lieu d’exercice différent ou une répartition différente des activités et des personnes prises en charges,
  • Déroger aux qualifications professionnelles requises applicables et le cas échéant, aux taux d’encadrement prévu pour certaines structures.
Structures mentionnées au I de l’article L.312-1 CASFAccueillir ou accompagner des personnes ne relevant pas de leur zone d’intervention autorisée, pour une prise en charge temporaire ou permanente à condition de respecter la limite de 120% de leur capacité.
Etablissements mentionnés à l’article L.312-1 I 7° (Etablissements et services accueillant des personnes handicapées ou d’assistance à domicile).
MAS, FAM
Service d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH) ;
Service d'accompagnement à la vie sociale (SAVS) ;
Service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ;
Service polyvalent d'aide et de soins à domicile (SPASAD) ;
Service d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD).


Accueillir des adolescents de 16 ans et plus
Etablissements mentionnés à l’article L.312-1 2°
Institut médico-éducatif ;
Institut thérapeutique éducatif et pédagogique ;
Institut d'éducation motrice ;
Etablissement pour enfants ou adolescents polyhandicapés ;
Institut pour déficients auditifs ;
Institut pour déficients visuels ;
Centre médico-psycho-pédagogique ;
Bureau d'aide psychologique universitaire ;
Service assurant un accompagnement à domicile ou en milieu ordinaire non rattaché à un établissement.

Et 7° (établissements visés ci-dessus).
Accueillir des mineurs et majeurs de moins de 21 ans pris en charge habituellement au titre des structures de l’ASE lorsque celles-ci ne sont plus en mesure de les accueillir dans des conditions de sécurité suffisantes
Etablissements mentionnés à l’article L.312-1 2° (établissements visés ci-dessous) 5° (ESAT, établissement de réadaptation, de préorientation et de rééducation professionnelle) et 7° (établissements visés ci-dessus).Lorsqu’ils ne sont plus en mesure d’accompagner les personnes handicapées, ils peuvent adapter leur accompagnement à domicile en recourant à leur personnel, des personnels libéraux, ou à des services d’aide et d’accompagnement tels que les centres d’action sociale médico-précoce et les services d’aide et d’accompagnement à domicile rémunérés.

  • Qui décide ?
Les mesures dérogatoires sont décidées par le Directeur de l’établissement ou du service :
    • Après avis du CVS (ou du groupe d’expression lorsqu’il n’est pas obligatoire) et lorsqu’il est constitué, le comité social économique.
    • Sous réserve d’aviser l’autorité administrative ayant délivré l’autorisation (selon le cas, CD/ARS) des mesures d’adaptation dérogatoires. Elle peut s’opposer à tout moment à celles-ci si la sécurité des personnes concernées n’est plus garantie ou si les adaptations ne répondent pas aux besoins identifiés sur le territoire.

  • Durée

La durée est comprise entre le 12 mars et au plus tard trois mois après la fin de la période d’état d’urgence sanitaire (actuellement, 24 mai 2020), sous réserve d’une modification de sa durée selon les modalités prévues par la loi d’urgence[iii].

  • Admission en l’absence de décision d’orientation de la CDAPH

Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, les admissions dérogatoires peuvent être prononcées en l’absence de décision préalable de la CDAPH.

L’ordonnance précise qu’il est possible de déroger à la durée annuelle de l’accueil temporaire dans une structure médico-sociale pour personne handicapée (90 jours).


  • Maintien du niveau de financement en cas de sous activité ou de fermeture temporaire résultant de l’épidémie du COVID-19

L’ordonnance précise d’une part que le niveau de financement des structures et des familles n’est pas modifié. Les crédits alloués ne devraient donc pas être minorés dans le cadre des prochaines négociations budgétaires.

    • Concernant les ESMS ne relevant pas de la dotation ou du forfait global : la facturation est établie à terme mensuel échu sur la base de l’activité prévisionnelle sans tenir compte d’une diminution de leur activité ou des fermetures temporaires résultant de l’épidémie du COVID-19 ;
    • Concernant les ESAT, l’écart de financement entre le niveau en résultant et le niveau antérieur de la rémunération garantie des travailleurs handicapés est compensé par les aides au poste versées par l’Etat.

  • Prorogation des délais des procédures administratives budgétaires et comptables

Les délais prévus pour les procédures administratives, budgétaires et comptables expirant à compter du 12 mars 2012 et jusqu’à la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, (éventuellement prolongé dans les conditions fixées par la loi d’urgence) sont prorogés d’un délai supplémentaire de quatre mois.

Enfin, précisons également que les mesures de soutien économique annoncées par le Gouvernement (délai de paiement des échéances sociales, report de charges de loyer, d’électricité etc.) doivent bénéficier aux ESMS, entreprises adaptées ainsi que les ESAT.


  1. Mesures d’accompagnement social

  • La prolongation des aides et des prestations des compensation
L’ordonnance du 25 mars 2020 n°2020-312[iv] vient compléter celle réorganisant le fonctionnement et l’organisation des établissements et services médico-sociaux, concernant le volet social.
L’article 2 vise plus spécifiquement les personnes en situation de handicap.
Sont concernés les bénéficiaires :
  • De l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ;
  • De l’allocation d’éducation d’un enfant handicapé (AEEH) ;
  • De la prestation de compensation du handicap (PCH) ;
  • De la carte mobilité inclusion (CMI) ;
  • De l’aide médicale d’État (AME) ;
  • D’un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle et de l’aide financière à l’insertion sociale et professionnelle (AFIS) ;
  • Et d’une manière générale, de tous les autres droits ou prestations relevant de la compétence de la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes handicapées (orientation vers un établissement ou service, orientation scolaire, reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.
Ces bénéficiaires bénéficient d’une prolongation pour six mois de l'accord de la CDAPH sur une série de droits et prestations expirant entre le 12 mars et le 31 juillet 2020 ou ayant expiré avant le 12 mars mais n'ayant pas encore été renouvelé à cette date.

Le Ministère garantit ainsi que les prestations continueront à être versées automatiquement, sans interruption durant la période de crise sanitaire

Cette prolongation prend effet à compter de la date d'expiration de l'accord en question ou à compter du 12 mars s'il a expiré avant cette date.

Elle sera renouvelable une fois par décret (du ministre des Solidarités et de la Santé), sans nouvelle décision de la CDAPH ou, le cas échéant, du président du conseil départemental.

Notons également que cette ordonnance procède à une simplification des modalités de prise des décisions en dérogeant aux dispositions de l’article L.241-6 du code l’action sociale et des familles.

En effet, l’article 3 permet que les décisions de la CDAPH soient également prises soit par le président de cette commission soit par une ou plusieurs formation(s) restreinte(s).

Enfin, cette même ordonnance suspend le délai de deux mois pour engager le recours administratif préalable obligatoire en matière de contentieux de la sécurité sociale et de contentieux de l’admission à l’aide sociale pour les décisions intervenant à compter du 12 mars 2020.

Ces dispositions sont applicables jusqu’à une date fixée par arrêté ministériel, et au plus tard le 31 décembre 2020.


  • La mise en place d’une procédure d’arrêt de travail simplifié  

    • Pour garde d’enfants

Ce dispositif concerne les parents d’enfants de moins de 16 ans au jour du début de l’arrêt ainsi que les parents en situation de handicap sans limite d’âge.

Il s’adresse notamment aux salariés du régime général, aux agents contractuels de la fonction publique, aux professions libérales médicales et paramédicales.

La déclaration de l’arrêt doit s’effectuer à partir du téléservice du site de l’assurance maladie « declare.amelie.fr » (sauf pour les agents de la fonction publique et les salariés du régime agricole relevant de la MSA).

L’arrêt peut être délivré sans délai de carence ni conditions d’ouverture de droit.

Cependant, la déclaration ne déclenche pas une indemnisation automatique.

Certaines exigences doivent être respectées :
  • L’absence de possibilité de solution de travail ;
  • Un seul des parents (ou titulaire de l’autorité parental) peut effectuer la demande d’arrêt pour travail d’enfant (mais il peut être partagé entre les deux) ;
  • Nécessité d’envoyer les éléments de salaires.

La durée de l’arrêt est fixée entre 1 et 21 jours et dans la limite de la durée initiale du confinement (actuellement 15 avril 2020). Elle est fractionnable.

Il est renouvelable selon les mêmes modalités dès lors que le confinement sera amené à se prolonger.


    • Pour les personnes qui partagent leur domicile avec un proche à l’état de santé jugé fragile

Cette mesure concerne principalement les proches de personnes à risque, conformément à la liste établie par le Haut Conseil de la Santé Publique.

  • Les personnes âgées de 70 ans et plus ;
  • Les patients ayant des antécédents cardiovasculaires : hypertension artérielle compliquée, accident vasculaire cérébral ou coronaropathie, chirurgie cardiaque, insuffisance cardiaque stade NYHA III ou IV ;
  • Les diabétiques insulino-dépendants non équilibrés ou présentant des complications associées ;
  • Les personnes présentant une pathologie chronique respiratoire susceptible de décompenser lors d’une infection virale ;
  • Les patients présentant une insuffisance rénale chronique dyalisée et les malades atteints de cancer sous traitement.

La personne qui cohabite avec une personne vulnérable peut, en l’absence d’une solution de télétravail, solliciter un arrêt de travail à son médecin traitant ou à défaut un autre médecin de ville.

La durée initiale a été fixée jusqu’au 15 avril et sera renouvelable durant la période de confinement.

Aucun délai de carence n’est appliqué.

Le cabinet de Me HUET, intervenant de manière quasi exclusive dans le domaine du droit de la santé et du médico-social vous accompagne dans le cadre de la mise en oeuvre des mesures liées à la crise sanitaire du Covid-19.

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[ii] Ordonnance n°2020-313 du 25 mars 2020 relative à l’adaptation des règles d’organisation et de fonctionnement des établissements sociaux et médicaux-sociaux https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041755771&categorieLien=id
[iv] Ordonnance n°2020-312 relative à la prolongation des droits sociaux https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041755763&categorieLien=id