1. ACCUEIL
  2. AUTRES DOMAINES D'INTERVENTION
  3. Responsabilité médicale et hospitalière
  4. Focus sur la responsabilité du pharmacien d'officine consécutive à la délivrance d'un médicament
Retour

Focus sur la responsabilité du pharmacien d'officine consécutive à la délivrance d'un médicament

Dans une affaire en cours, la responsabilité de plusieurs pharmacies est mise en cause en raison de la délivrance de plusieurs médicaments prescrits par différents médecins.

Le patient allègue avoir subi de nombreux effets secondaires imputables selon lui aux différents traitements qui lui auraient été prescrits.

Quant aux pharmaciens, il leur est reproché en substance :

  • de ne pas s'être mis en relation avec les médecins prescripteurs des médicaments pour vérifier le bien-fondé des prescriptions
  • de ne pas avoir vérifié la sécurisation des ordonnances
  • de ne pas avoir alerté la patiente sur les effets secondaires des médicaments prescrits
Cette affaire est l’occasion de faire le point sur la responsabilité du pharmacien ainsi que les obligations pesant sur lui au cours de la dispensation d’un médicament.

Quelles sont-elles ? Comment sécuriser l’acte de dispensation ? Dans quels cas un pharmacien peut-il refuser d’exécuter une prescription ? Quels sont les risques encourus ?  Dans quels cas est-il susceptible d’engager sa responsabilité ?

Ce que dit le code de déontologie ?

Tout acte de délivrance et de dispensation par le pharmacien doit être accompli avec soin et attention (article R.4235-12 du Code de la santé publique).
​​​​​​​

Conformément à l'article R.4235-48 du code de la santé publique, « le pharmacien doit assurer dans son intégralité l'acte de dispensation du médicament, associant à sa délivrance :
1° L'analyse pharmaceutique de l'ordonnance médicale si elle existe ;
2° La préparation des doses à administrer ;
3° La mise à disposition des informations et les conseils nécessaires au bon usage du médicament.
Il a un devoir de conseil particulier de conseil lorsqu’il est amené à délivrer un médicament qui ne requiert pas une prescription médicale.
Il doit par des conseils appropriés et dans le domaine de ses compétences participer au soutien apporté au patient ».

Comment sécuriser l’acte de dispensation ?

Le pharmacien doit assurer la dispensation du médicament avec toutes les exigences de sécurité et de contrôle que celle-ci implique.
Les bonnes pratiques de dispensation des médicaments en vigueur depuis le 1er février 2017[i] rappellent les différentes étapes du processus de dispensation :
  • L’analyse de l’ordonnance ;
  • La mise en place d’un suivi pharmaco-thérapeutique et d’un processus de réévaluation du traitement ;
  • Le conseil pharmaceutique ;
  • La délivrance ;
  • Le signalement des événements indésirables.
Nous nous concentrerons ici sur la phase d’analyse pharmaceutique, le respect des conditions de délivrance et le devoir de conseil.

1° L’analyse pharmaceutique

L’analyse pharmaceutique de la prescription par le pharmacien suppose avant toute chose de vérifier la validité de l’ordonnance et la régularité formelle de l’ordonnance (date, durée du traitement) mais aussi le respect des règles de délivrance du médicament prescrit.

Par exemple, certains médicaments nécessitent une ordonnance sécurisée ou ne peuvent être prescrits que dans un cadre hospitalier.

La seconde étape de l’analyse pharmaceutique consiste en une analyse pharmacologique. Elle suppose notamment d’apprécier la pertinence d’une prescription, le dosage prescrit et de détecter, le cas échéant, d’éventuelles erreurs de dosage ou des interactions entre les différents médicaments délivrés et les éventuels traitements en cours dont le pharmacien a connaissance.

Cette dernière étape est en pratique plus complexe et pour ainsi dire plus risquée. En effet, si l’analyse pharmacologique fait appel à des données objectives et à des règles de bonnes pratiques, la vérification de la posologie, la détection d’interactions entre différents médicaments, les précautions d’emploi supposent également de prendre en considération des données subjectives propres au patient.

Par conséquent, cette phase d’analyse suppose la connaissance du patient (traitements en cours, prescriptions antérieures, antécédents pathologiques, l'état physiopathologique), lui permettant d'apprécier la pertinence de la prescription médicamenteuse et de sécuriser la dispensation. Cette connaissance suppose l’obligation pour le pharmacien de se renseigner sur le patient et le contexte thérapeutique de la prescription (a fortiori lorsqu’il ne s’agit pas d’un patient connu et habituel de l’officine).

Les pharmaciens sont donc tenus de contrôler le contenu des ordonnances et peuvent voir engager leur responsabilité à défaut d’avoir vérifié la régularité de la prescription ainsi que la validité de la posologie[ii].

Il a également un devoir de mise en garde du médecin et du patient lorsqu’il détecte des interactions entre différents médicaments.

Le pharmacien n’est pas déchargé de son obligation lorsque la prescription est incomplète puisqu’en cas de doute et si l’intérêt du patient l’exige, il peut refuser la dispensation (à charge pour lui d’en informer le médecin prescripteur et de l’indiquer sur l’ordonnance)[iii].

2° Le respect des conditions de délivrance

Le pharmacien se doit de respecter les conditions de délivrance.

A titre d’exemple, les médicaments classés comme stupéfiants ne peuvent être délivrés que sur présentation d’une ordonnance dite « sécurisée ». Cette ordonnance répond à un formalisme particulier et les conditions de délivrance des médicaments sont strictement encadrées.

Il ne peut délivrer de quantités égales ou supérieures aux doses maximales prévues pour un médicament en l’absence de mention expresse du médecin.

Le pharmacien qui ne respecterait pas les conditions de délivrance d’un médicament ou qui délivrerait un médicament sans prescription régulière est donc susceptible d’engager sa responsabilité.

Il en est de même du pharmacien qui délivrerait un médicament de manière non conforme aux données de l’autorisation de mise sur le marché (AMM).

3° Le devoir de conseil

Le devoir de conseil suppose de donner toutes les informations nécessaires au patient sur le bon usage d’un médicament, la posologie ou les précautions particulières à prendre. Il pourrait alors être reproché à un pharmacien de ne pas avoir renseigné ou mal renseigné un patient.

Le devoir de conseil est précisé par l’article R.5015-48 du Code de la santé publique aux termes duquel le pharmacien doit associer à la délivrance de médicaments : « la mise à disposition des informations et les conseils nécessaires au bon usage des médicaments »

Le rôle de conseiller du pharmacien d’officine est accru s’agissant de médicaments vendus sans ordonnance, et en particulier lorsqu’il s’agit d’automédication. Le code de la santé publique prévoit en effet que le pharmacien « a un devoir particulier de conseil lorsqu’il est amené à délivrer un médicament qui ne requiert pas une prescription médicale » (Article R.5015-48 précité).

Le pharmacien a donc une obligation renforcée lorsqu’il délivre un médicament non soumis à prescription médicale.

Dans quels cas un pharmacien peut-il refuser de délivrer un produit ?

Il doit analyser la prescription et refuser son exécution si l’intérêt du patient l’exige ou s’il a un doute légitime et justifié quant à l’authenticité ou la régularité d’une ordonnance.

Dans ce cas, il doit informer le médecin prescripteur de ce refus et en fait mention sur l'ordonnance (art R. 4235-61 du Code de la santé publique).

Le pharmacien ne peut s’exonérer en invoquant le fait qu’il ait informé le prescripteur de l’irrégularité d’une prescription et des risques éventuels ou en se retranchant derrière l’obligation d’information et de conseil qui pèse sur le prescripteur, dès lors que son action ou son abstention a causé un préjudice au patient.

Quels sont les risques encourus par un pharmacien ?

Selon ces dispositions, la responsabilité du pharmacien peut être recherchée en raison d’une erreur de délivrance, d’une négligence lors du contrôle de la prescription, d’un défaut d’information et de conseil lors de l'acte de dispensation ou d’une erreur de dosage.

Sa responsabilité peut être recherchée devant les juridictions disciplinaires, civiles et pénales.

Chacune des actions poursuit une finalité propre. Elles sont autonomes mais peuvent aussi se cumuler.

Le pharmacien peut voir sa responsabilité engagée conjointement avec celle du médecin prescripteur qui aurait lui-même commis une faute, en particulier dans la rédaction de l’ordonnance.

Focus sur le cas particulier de la responsabilité du pharmacien en raison d’un surdosage 

L’analyse pharmaceutique de l’ordonnance constitue une étape fondamentale pour sécuriser l’acte de dispensation compte tenu des effets secondaires et des graves conséquences que peut avoir une erreur de posologie.

Dans plusieurs affaires, les juges ont admis la responsabilité conjointe du médecin prescripteur et du pharmacien dès lors que ce dernier est tenu de contrôler le contenu des ordonnances délivrées par les médecins[iv].

Dans une autre affaire, la Cour d’appel de Paris confirme la condamnation du pharmacien pour ne pas avoir analysé l’ordonnance et de ne pas s’être mis en relation avec le médecin prescripteur pour vérifier la posologie[v]. Il admet un partage de responsabilité au visa de l’article R.4235-48 du code de la santé publique.

Il est observé que dans ces deux affaires, les juges considèrent que la faute du pharmacien est prépondérante par rapport à celle du médecin prescripteur (Partage de responsabilité à hauteur de 60% dans la première affaire, 70% dans la seconde) [vi].

Enfin, la Cour d’appel d’Aix estime que le pharmacien a commis une faute en exécutant la prescription « telle quelle » et confirme le partage de responsabilité pour moitié du pharmacien, rappelant la compétence technique du pharmacien lui permettant de « constater une anomalie » et « de déceler l’éventuelle erreur de prescription commise par le médecin ».

Ici encore, le pharmacien a été condamné pour ne pas avoir analysé l’ordonnance et ne pas s’être mis en relation avec le médecin prescripteur, à deux reprises, lors de la délivrance initiale puis lors du renouvellement.

Le pharmacien a la compétence technique lui permettant de relever une anomalie compte tenu du dosage ou du contexte thérapeutique de l’ordonnance.

Au regard de la jurisprudence, le pharmacien ne peut donc se retrancher derrière l’obligation d’information du médecin ou du laboratoire, l’incomplétude de l’ordonnance ou derrière l’ignorance de la pathologie du patient dès lors qu’il s’agit d’un surdosage manifeste.

Par ailleurs, la responsabilité du pharmacien suppose d’établir au préalable la réalité d’un surdosage et que les préjudices allégués sont imputables au surdosage.

En tout état de cause, le pharmacien d’officine ne saurait être tenu responsable du préjudice entraîné par la délivrance de médicaments lorsqu’aucune faute ne lui est imputable dans l’analyse et l’exécution de la prescription.

Fort heureusement, les cas de responsabilités d’un pharmacien d’officine ne sont pas si fréquents.

[i] Arrêté du 28 novembre 2016 fixe les bonnes pratiques en matière de dispensation des médicaments dans les pharmacies d’officine, les pharmacies mutualistes et les pharmacies de secours minières https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000033507633/
[ii] En  ce sens, Cass. 1re civ., 14 oct. 2010, n° 09-68.471, Bull. 2010, I, n° 201.

[iii] R4265-61 du code de santé publique
[iv] Cass. 1re civ., 14 oct. 2010, n° 09-68.471, Bull. 2010, I, n° 201.
« Concernant les pharmaciens, dont la responsabilité est recherchée en leur qualité d’employeur de la personne qui a délivré le médicament, il est certain et incontestable que la délivrance de médicaments à une concentration cinq fois supérieure à celle qui était prescrite, et figurait de façon claire et lisible sur l’ordonnance, constitue une faute, et ce, d’autant que l’ordonnance était incomplète et ne mentionnait pas le fait qu’il s’agissait d’un enfant, sa taille et son poids, ce qui devait le conduire à vérifier la validité de la posologie prescrite, et sa cohérence avec le médicament délivré ; cette faute du préposé de la pharmacie a un lien de causalité certain avec l’intoxication médicamenteuse, et elle engage la responsabilité des employeurs, les pharmaciens A… et B…
[…].
En conséquence, le jugement déféré doit être réformé sur les responsabilités, et les fautes du médecin et du préposé de la pharmacie ayant concouru à l’entier dommage, le Dr Y…, son assureur, Mme A…, M. B…
et leur assureur doivent être condamnés in solidum à réparer le préjudice de l’enfant et des parents.
Dans leur rapport entre eux, la responsabilité du médecin doit être retenue à hauteur de 40 %, et celle des pharmaciens à hauteur de 60 %. » 
[v] CA Paris, pôle 2 - ch. 2, 5 avr. 2018, n° 16/09105 « Les premiers juges ont exactement relevé que les dispositions des articles L. 1142-1 I et R.4235-48 du code de la santé publique s’appliquent au litige, que la pharmacie de Tocqueville ne conteste pas formellement sa faute, que l’expert judiciaire a noté qu’avant de délivrer le produit surdosé, le pharmacien n’a pas pris contact avec le médecin prescripteur, ni porté sur l’ordonnance une mention relative à la délivrance d’un produit dont le dosage ne correspondait pas à la prescription et à la nécessaire adaptation de l’injection pour respecter la dose prescrite, que selon l’expert judiciaire, et non les docteurs de Roover et E comme indiqué par erreur dans le jugement déféré, les bonnes pratiques de dispensation des médicaments par le pharmacien énoncées par l’académie de pharmacie en 2013 stipulent que le pharmacien qui ne détient pas le produit dans son stock doit faire appel aux grossistes, aux autres officines ou au fabricant et en dernier recours, calculer le volume à injecter afin de respecter le dosage prescrit, voire même prendre contact avec le médecin prescripteur pour lui faire part de la difficulté.
La cour ajoute que la pharmacie de Tocqueville doit se voir imputer une faute aggravée d’une part en raison de l’absence d’urgence à délivrer le médicament lorsque Mme Y s’est présentée à l’officine de sorte qu’après avoir été commandé avec le bon dosage, aucune rupture de stock n’étant établie à l’époque de la délivrance des produits, le médicament aurait pu lui être remis dans un délai adapté à sa pathologie, et d’autre part en raison du fait que cette délivrance d’un médicament surdosé a été faite à deux reprises à l’égard de la même patiente, à quatre semaines d’intervalle ».

[vi] CA Aix-en-Provence, 10e ch., 9 févr. 2017, n° 15/16314. « S’agissant de la snc pharmacie I qui a délivré le methotrexate 2,5 mg, il convient de rappeler qu’en application de l’article R 4235-48 du code de la santé publique, le pharmacien doit assurer dans son intégralité l’acte de dispensation du médicament en associant à sa délivrance l’analyse pharmaceutique de l’ordonnance médicale.
Dans ce cadre, il a du fait de sa compétence technique lui permettant de constater une anomalie, l’obligation de déceler l’éventuelle erreur de prescription commise par le médecin et il commet lui même une faute en exécutant l’ordonnance telle quelle.
En l’espèce, le docteur B a prescrit une posologie de 4 comprimés par jour au lieu de 5 par semaine soit près de six fois la dose admise ce qui aurait du attirer l’attention de la snc pharmacie I.
Le premier juge a justement retenu que celle-ci ne saurait se retrancher derrière l’ignorance de la pathologie de Mme A dés lors qu’il s’agissait d’un surdosage manifeste et non pas d’une posologie inadaptée à l’affection dont souffrait la patiente.
Ce surdosage aurait du conduire le pharmacien à contacter le médecin prescripteur afin de vérifier la posologie.
En ne le faisant pas et en délivrant, au surplus à deux reprises, un médicament dont la posologie était totalement inadaptée et dangereuse pour le malade, la snc pharmacie I a également commis une faute qui est directement à l’origine du préjudice subi.
Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a retenu la responsabilité de ces deux professionnels de santé et condamné ceux-ci in solidum à réparer le préjudice de Mme A, leurs fautes conjuguées ayant concouru à la survenance de l’entier dommage.
La cour estime par ailleurs que les fautes de l’un et l’autre des professionnels, celle du médecin qui commet l’erreur de prescription et celle du pharmacien qui ne contrôle pas la posologie et délivre le médicament, ont concouru dans la même proportion à la réalisation du dommage et le jugement est également confirmé en ce qu’il a réparti la contribution à la dette entre le docteur B et la snc pharmacie I à hauteur de 50 % chacun ».
Nous écrire
Les champs indiqués par un astérisque (*) sont obligatoires
Nos engagements
Disponibilité & Réactivité
Disponibilité & Réactivité
Ecoute
Ecoute
Rigueur & Pragmatisme
Rigueur & Pragmatisme
Clarté des honoraires
Clarté des honoraires
calendar_month Rendez-vous en cabinet call Rappel par téléphone