
HAD ET CONTROLE T2A : PLAIDOYER POUR UNE REFORME URGENTE DU FINANCEMENT DE L’HAD
-Depuis 2013, les pouvoirs publics ont marqué leur volonté de généraliser le recours à l’hospitalisation à domicile (HAD).
La circulaire du 4 décembre 2013 relatif au positionnement et au développement de l’HAD invite au développement de cette alternative à l’hospitalisation en fixant un objectif de doublement de la proportion des séjours hospitaliers réalisés en HAD d’ici 2018.
La Cour des Comptes a également insisté sur la nécessité de conforter la généralisation du recours à l’HAD[1].
Un tel développement s’inscrit pleinement dans la stratégie nationale de santé, en permettant de faire face aux enjeux des parcours territorialisés et de la coordination des parcours de soins complexes.
Outre qu’elle répond à l’aspiration de nombreux patients d’être soignés à domicile (améliorer le confort et la qualité de vie des patients), l’HAD a vocation à se substituer à une prise en charge traditionnelle au sein de services de MCO ou de SSR de l’hôpital, avec l’objectif d’éviter ou de raccourcir les hospitalisations avec hébergement.
La circulaire du 4 novembre 2013 a ainsi fixé les grands axes d’une réorganisation de l’HAD avec un objectif ambitieux de développement.
Pour y parvenir, plusieurs orientations ont été fixées.
Marisol Touraine a annoncé, en décembre 2015, le lancement d’expériences de coopération entre établissements en matière d’HAD afin notamment de raccourcir la durée des hospitalisations, développer des prises en charges spécialisées (chimiothérapie, soins palliatifs, rééducation neurologique) et conforter l’offre de prise en charge des petites structures d’HAD.
Mais paradoxalement, le financement actuel de l’hospitalisation à domicile apparaît peu propice à son développement.
Il en résulte que la prescription d’HAD par les médecins libéraux comme hospitaliers restent limitée et que l’organisation actuelle des soins ne reflète pas l’expansion des missions d’HAD.
A l’heure où la FNEHAD dresse un bilan mitigé de l’activité d’HAD, il est urgent de réformer un modèle tarifaire daté, fondé sur une enquête réalisée dans trois services d’HAD fin des années 1980 et une enquête des coûts menée en 2003[2].
Cette évolution, hautement scandée par les pouvoirs publics, apparaît d’autant plus prégnante que depuis plusieurs années les contrôles externes de la tarification ciblent l’activité d’HAD.
Les contrôles d’activité sont en effet révélateurs des lacunes du système de financement actuel de l’HAD avec une remise en cause régulière des prescriptions d’HAD par les médecins contrôleurs.
Les motifs de refus constatés dans le cadre des contrôles d'activité sont de deux ordres :
- L’absence de soins complexes. Si l’hospitalisation à domicile apparait sans aucun doute comme une réponse au développement des prises en charge complexes au domicile, l’imprécision actuelle des critères de « complexité » des soins constitue de tout évidence un facteur de risque pour les structures d’HAD. Le recours à l’HAD pour des soins qui, selon les médecins contrôleurs, ne présentent pas de complexité particulière et peuvent être réalisés par des SSIAD, donne lieu à des contestations des médecins contrôleurs. Ce point a d'ailleurs été mis en évidence par l'Ordre Nationale des Infirmiers lorsqu'il fut auditionné par la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale.
- Lorsque la traçabilité des actes des intervenants n’est pas conforme aux critères issus de la classification des modes de prise en charge, alors même que les conditions d’admission sont réunies[3] (exemple, en matière de rééducation orthopédique ou lors de la réalisation de pansements complexes sur des plaies ulcérées).
Et pour cause, la circulaire de 30 mai 2000, reprise dans le guide méthodologique de l’hospitalisation à domicile, donne une définition des modes de prise en charge les plus couramment réalisés. Mais cette description des modes de prise n’a pas évolué à mesure que le recours à la HAD s’est développé, avec les évolutions que connaît notre système de santé et qui en bouleverse l’organisation.
Cette classification apparaît désuète et peu descriptive alors même qu’un même mode de prise en charge est susceptible de recouvrir des situations cliniques très différentes.
Par ailleurs, le coût par journée peu fortement varier suivant la charge en soins et le type de structure d’HAD. Or, le financement actuel ne prend pas en considération ces variations.
Le mode actuel de financement de l’activité d’HAD ne favorise ni une bonne valorisation de la charge en soins et des surcoûts liés au domicile, ni le développement d’une politique ciblée.
Face à ces constats, le développement du recours à l’HAD et la réorganisation de l’offre de soins à l’échelle des territoires ne pourront être menés à terme sans une réforme du financement de l’HAD.
Ainsi que le relève Olivier VERAN, médecin et député de l’Isère, dans son rapport sur l’évolution du financement des établissements de santé, « le modèle tarifaire propre à l’HAD apparaît très éloigné du MCO ou du SSR alors même qu’il a vocation à s’y substituer. Il apparaît surtout daté, peu valorisant en cas de charge en soin conséquente et facteur d’éventuelles rupture de prise en charge ».
C’est pourquoi, le rapport d’Olivier VERAN préconise une réforme de la classification des modes de prise en charge, fondée sur une information médicalisée, afin de mieux décrire la réalité des activités réalisées à domicile et de proposer un modèle tarifaire reflétant la charge en soins et intégrant l’ensemble des surcoûts.
La refonte de la classification devra s’accompagner d’une réforme tarifaire à même de prendre en considération les spécificités de l’HAD (identifier clairement ce que recouvre les tarifs, mise en place de financements forfaitaires spécifiques, repenser la dégressivité tarifaire).
Elle devra en outre assurer une corrélation entre les coûts réels supportés par les structures d’HAD et le financement alloué[4].
Espérons qu’elle soit de nature à sécuriser les contrôles d’activité des structures d’HAD.
En l'état actuel, cette réforme hautement scandée par les pouvoirs publics est sans cesse retardée. Elle est désormais prévue pour l’horizon 2019/2020.
Affaire à suivre…
NOTES :
[1] Rapport de la Cour des comptes, HAD, évolutions récentes, Communication à la commission des affaires sociales et à la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale de l’Assemblée nationale Décembre 2015
[2] Enquête sur l’évaluation du coût de la prise en charge globale en hospitalisation à domicile, CREDES n°1484, juin 2003
[3] L’admission en HAD est strictement encadrée et doit répondre aux critères d’admission définis à l’article R6121-4-1 du code de la santé publique :
- L’hospitalisation à domicile concerne les patients atteints de pathologie graves, aiguës ou chroniques, évolutives et/ou instables ;
- Le patient nécessite des soins complexes, formalisés dans un projet thérapeutique. Le patient est admis sur prescription médicale, sur la base d’un projet thérapeutique qui formalise l’ensemble des soins (cliniques, psychologiques et sociaux) nécessités par l’état de santé du patient. Le projet thérapeutique évalue la charge de soins et les moyens à mobiliser. Il est actualisé durant le séjour, grâce à une réévaluation hebdomadaire réalisée par l’infirmière coordinatrice.
- L’hospitalisation permet de délivrer des soins médicaux et paramédicaux coordonnés aux patients pour une période limitée mais révisable en fonction de l’évolution de l’état de santé des patients.
- Les soins dispensés en HAD se différencient de ceux habituellement dispensés à domicile par les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) par la complexité et la fréquence des actes.
[4] Annexe 7 du 2nd rapport d’étape d’Olivier VERAN : http://solidaritessante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport__evolution_des_modes_de_financement_des_etablissements_de_sante.pdf