Imputabilité au service et gestion de l'inaptitude du fonctionnaire : que faire en l'absence d'avis de la commission de réforme ?

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Lorsqu'un fonctionnaire demande qu’une maladie soit reconnue imputable au service et que la commission de réforme n’a pas rendu d’avis dans le délai requis par les textes (deux ou trois mois), l’administration doit placer, à titre conservatoire, son agent en position de congé maladie à plein traitement sauf si elle démontre qu’elle était dans l’impossibilité de recueillir l’avis de la commission de réforme.

Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt du 21 février 2018 [1].

En l'espèce, la requérante, agent de la fonction publique territoriale, a sollicité l'annulation pour excès de pouvoir de six arrêtés successifs l'ayant placée en congé de maladie ordinaire à demi-traitement. 

Ses conclusions indemnitaires ont été rejetées par le tribunal administratif puis la cour administrative d'appel de Paris. 

La requérante s'est donc pourvue en cassation.

Conformément aux dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, le fonctionnaire en activité a droit à des congés de maladie d'une durée d'un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois. Au delà de cette période, le fonctionnaire perçoit le demi-traitement durant les neuf mois restants. 

Toutefois, si la maladie est imputable au service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service.

Dans ce dernier cas, l'imputabilité au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. La saisine de la commission de réforme est obligatoire mais l'administration n'est nullement liée par l'avis rendu, celui-ci étant consultatif.

En tout état de cause, l'administration dispose d'un délai de deux mois pour se prononcer sur la demande du fonctionnaire. Lorsque la commission de réforme procède à des mesures d'instruction complémentaires, ce délai est porté à trois mois.

Le Conseil d'Etat rappelle que l'administration n'est pas tenue d'accorder au fonctionnaire le bénéfice de l'avantage qu'il demande tant que le délai de deux ou trois n'est pas expiré.

En revanche, en l'absence d'avis de la commission de réforme à l'expiration du délai de deux ou trois mois, l'administration doit placer, à titre conservatoire, le fonctionnaire en position de congé maladie à plein traitement, sauf si elle établit qu'elle se trouvait, pour des raisons indépendantes de sa volonté, dans l'impossibilité de recueillir l'avis de la commission de réforme. 

La solution n'est pas surprenante et se veut une fois encore protectrice des intérêts des agents de la fonction publique. Cette arrêt s'inscrit dans la continuité de la jurisprudence administrative. 

On peut citer par exemple la jurisprudence rendue en matière de disponibilité d'office pour des raisons de santé. Il est constant que le placement en disponibilité d'office pour raisons de santé, à l'issue d'un congé de maladie ordinaire, n'est régulier que s'il est précédé de recherches sérieuses et effectives de reclassement et que l'établissement démontre l'impossibilité de reclasser l'agent inapte. Mais durant cette période, l'administration a l'obligation de maintenir le demi-traitement. 

Le Conseil d'Etat suit cette même logique et va plus loin encore, en imposant le maintien en CMO à plein traitement du fonctionnaire dans l'attente de l'avis de la commission de réforme. Dans l'hypothèse où l'imputabilité au service ne serait pas reconnue, la collectivité se verra contrainte d'émettre un titre de recettes pour recouvrer le montant du traitement indu, avec les risques de contestations associés. 

Il n'en demeure pas moins que la gestion statutaire et financière de l'inaptitude des agents s'avère particulièrement malaisée pour les administrations des collectivités et des établissements de santé, auxquels la solution est transposable.

L'administration devra être particulièrement vigilante en s'attachant à tracer toutes les diligences entreprises dans le cadre de la gestion de l'inaptitude de l'agent (information systématique de l'agent de la saisine de la commission de réforme à la demande de l'agent, de la date de convocation etc.) et se ménager des preuves de l'impossibilité de recueillir l'avis de la commission, en particulier lorsque l'agent ne se présente pas le jour de la convocation.

[1] CE, 3ème et 8ème chambres réunies, 21 février 2018, N° 396013, mentionné aux tables du recueil Lebon