
Instruction "gradation des prises en charges ambulatoires" et procédure de rescrit tarifaire : attention à l'effet boumerang!
-Le 10 septembre 2020, est parue la nouvelle instruction, tant attendue, relative à la « gradation des prises en charge ambulatoires réalisées au sein des établissements de santé ayant des activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie ou ayant une activité d'hospitalisation à domicile »[1].
Cette instruction s’inscrit dans le cadre du « virage ambulatoire » et de la refonte de l’instruction frontière du 15 juin 2010 qui cristallise bon nombre de contentieux devant les juridictions de sécurité sociale.
Au-delà des critiques qu’elle suscite dans le cadre des contentieux T2A, la nécessité de réécrire cette instruction pour clarifier les conditions de facturation des prises en charge ambulatoires a émergé lors de la mission sur l’évolution du mode de financement des établissements de santé, piloté par M. Olivier VERAN, alors médecin et député de l’Isère, et qui a donné lieu à un rapport d’étape.
D’aucuns diront que cette instruction a suscité des difficultés d’application et d’interprétation importantes dans le cadre des contrôle d’activité et contentieux liés dans la mesure où elle ne précisait pas les conditions ni le cadre exact permettant de considérer qu’une prise en charge (de moins d’une journée ou en UHCD) pouvait donner lieu à facturation d’un GHS.
De même, elle peinait à rendre compte de la réalité des prises en charges ambulatoires pluridisciplinaires et complexes.
Ainsi, la nouvelle instruction a pour objet de redéfinir les prises en charge en hospitalisation de jour et de clarifier les critères de facturation (notion d’instabilité et d’examens complémentaires ou d’actes thérapeutiques pour les prises en charge en UHCD, notion de « surveillance particulière », du « contexte patient » pouvant justifier la facturation d’un GHS).
D’une manière plus générale, elle vise à préciser les conditions de facturation à l’Assurance Maladie de l’ensemble des prises en charge ambulatoires.
L’instruction comporte 6 annexes dont 5 détaillent les conditions de facturation :
- Conditions de facturation des actes et consultations externes en établissement de santé (avec un focus sur les consultations avancées).
- Conditions de facturation des prestations hospitalières sans hospitalisation (facturation des forfaits ATU, FFM, SE, APE).
- Conditions de facturation des GHS pour les prises en charge de moins de 24H en unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD) (article 12 de l’arrêté du 19 février 2015).
- Conditions de facturation des GHS pour les prises en charge de moins d’une journée (article 11 de l’arrêté du 11 février 2015) qui diffèrent selon le type de prise en charge.
- Forfaits pathologies chroniques
Ce dispositif permet à tout établissement de santé, société savante ou fédération hospitalière d’obtenir une prise de position formelle de l’Etat et de l’Assurance Maladie sur les conditions de facturation d’une prise en charge.
Cette instruction est d’application immédiate.
Enfin, elle lève le moratoire sur le contrôle de la facturation des hospitalisations de jour en vigueur sur les séjours réalisés depuis 2017.
En revanche, le moratoire sur le contrôle de la facturation en hôpital de jour est prolongé dans le cas des prises en charge liées à l’administration d’une spécialité pharmaceutique en dehors de son autorisation de mise sur le marché.
Le présent article se concentrera ici sur la procédure de rescrit tarifaire.
L’instruction fixe les conditions de mise en œuvre de ce dispositif.
Objet de la demande
La demande de rescrit porte :
- Soit sur l’application à un type précis de situation médicale des règles définies au chapitre 7 de l’arrêté « prestations MCO » du 19 février 2015 (facturation des hospitalisations de jour ou en UHCD)
- Soit sur des précisions techniques qui sont apportées dans le cadre de la nouvelle instruction
Conditions de la demande
La demande requiert un certain formalisme. Les demandeurs devront donc attacher un soin tout particulier à la rédaction de leur demande de rescrit tarifaire :
- Demande formulée par écrit par le représentant légal d’un établissement de santé, par une fédération hospitalière représentative ou une société savante médicale par tout moyen permettant d’apporter la preuve de sa date de réception, au service national du ministère des solidarités et de la santé compétent ;
- Copie adressée pour information à l’ARS territorialement compétente ;
- Contenu de la demande :
- Informations administratives : raison sociale, FINESS, coordonnées
- exposé de la situation de fait de manière claire, précise, objective et sincère du protocole de prise en charge (transmission du protocole de prise en charge, description de la liste exhaustive des actes et examens nécessités, le type et le nombre d’interventions réalisées) ;
- exposé des règles de facturation visées (arrêté instruction) sur la base desquelles la demande est fondée ;
- présentation et justification, dans la mesure du possible, de son interprétation de la facturation de la prise en charge concernée au regard des règles existantes.
Quand faire une demande de rescrit tarifaire ?
Ainsi, aucune demande de rescrit ne peut être formulée par un établissement de santé lorsqu’un contrôle de facturation a été engagé pour l’établissement concerné.
Ce constat emporte deux conséquences :
- D’une part, l’établissement de santé ne sera plus recevable à effectuer une demande de rescrit tarifaire pour les activités, prestations et séjours contrôlés dès lors qu’il a réceptionné la notification de contrôle sur site,
- D’autre part, l’établissement ne peut utiliser ce dispositif dans le cadre des contentieux T2A en cours.
En revanche, l’instruction précise que l’UCR doit s’assurer, lors de l’élaboration du programme de contrôle, que les séjours contrôlés ne font pas l’objet d’une demande de rescrit publiée (nous y reviendront).
Examen de la demande
La transmission de l’ensemble des éléments requis en temps utile est impérative pour optimiser l’instruction du dossier. Le dossier ne sera traité que lorsque l’ensemble des pièces auront été réceptionnées.
- A réception de l’ensemble des pièces, la demande fait l’objet d’une publication anonymisée sur le site internet du ministère des solidarités et la santé, qui dispose d’un délai maximum de trois mois à compter de cette publication pour se prononcer et notifier sa réponse au demandeur.
- Si le dossier est incomplet, le délai de trois mois est suspendu jusqu’à réception des éléments complémentaires nécessaires à l’instruction.
Il a également la faculté de solliciter pour avis le conseil national professionnel (CNP) qui pourra s’appuyer en son sein sur la société savante de la spécialité médicale concernée. Dans ce cas, le CNP dispose d’un délai de deux mois pour émettre « un avis médicalisé sur la pertinence de l’organisation de la prise en charge visée par la demande de rescrit au regard des bonnes pratiques ».
L’instruction ne précise pas si le délai de réponse du CNP s’impute sur le délai de trois mois imparti au service du ministère pour faire part de sa réponse.
Le ministère n’est pas lié par l’avis du CNP et doit motiver sa position s’il décide de s’en écarter.
Si la question posée a déjà fait l’objet d’une réponse publiée dans les conditions visées ci-après, le ministère retransmet au demandeur la réponse publiée.
Diffusion des réponses
Opposabilité de la réponse
Elle est également opposable par les autres établissements de santé, y compris au cours d’un contrôle, dès lors qu’elle est publiée et à condition que la situation de fait soit comparable à celle exposée dans le rescrit.
L’avenir nous dira s’il est de nature à ramener un peu de sérénité dans le cadre des contrôles de facturation et à tarir les contentieux liés.
Toutefois, on peut s’interroger sur la représentativité des établissements de santé dans le cadre de la procédure de rescrit tarifaire, et partant, sur la neutralité de la réponse apportée par le service rattaché au ministère.
L’une des critiques récurrentes émises par les établissements de santé est précisément le manque de neutralité des instances du fait de leur composition.
Les médecins contrôleurs sont rattachés à l’Assurance Maladie. L’UCR est composée de 2/3 de représentants des caisses d’Assurance Maladie et d’un tiers de représentants de l’ARS.
Si le CNP est une structure qui se veut fédérative et paritaire, le recueil de l’avis du CNP dans le cadre de la procédure de rescrit tarifaire ne constitue qu’une simple faculté et l’avis recueilli ne lie pas le ministère.
Quoi qu’il en soit, les établissements de santé devront utiliser ce dispositif avec prudence compte-tenu du caractère opposable des réponses publiées dans « des situations comparables ».
Et en toute hypothèse, les établissements de santé ne peuvent faire l’économie d’une traçabilité des éléments permettant de caractériser une hospitalisation de jour, d’apprécier les éléments de contexte (la situation clinique du patient, la surveillance particulière, le terrain à risque, l’instabilité de l’état de santé du patient, le caractère pluridisciplinaire de la prise en charge). La prise en charge et l’ensemble des interventions et actes réalisés doivent être mentionnés dans le dossier du patient.
On ne le répètera jamais assez, une bonne tenue du dossier médical constitue le meilleur outil de défense dans le cadre des contrôles de facturation.
Par ailleurs, la préparation du contrôle sur site et les justifications apportées par l'établissement dans le cadre de la procédure de concertation permettent sans aucun doute d'optimiser les chances de succès de l'établissement en cas de contestation des facturations.