Interdiction de l'utilisation de l'hydroxychloroquine dans le traitement du covid-19 en dehors des essais cliniques 

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Récemment, un arrêté du 26 mai 2020 publié au journal officiel le 27 mai est venu compléter l’arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaire pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire[1].

Cet arrêté insère un article 6-2, rédigé comme suit :
« Art. 6-2.-La spécialité pharmaceutique PLAQUENIL ©, dans le respect des indications de son autorisation de mise sur le marché, et les préparations à base d'hydroxychloroquine ne peuvent être dispensées par les pharmacies d'officine que dans le cadre d'une prescription initiale émanant exclusivement de spécialistes en rhumatologie, médecine interne, dermatologie, néphrologie, neurologie ou pédiatrie ou dans le cadre d'un renouvellement de prescription émanant de tout médecin ».

Le même jour, est paru au JO le décret n° 2020-630 du 26 mai 2020 modifiant le décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire[2]..

Cet article est donc l’occasion de faire un nouveau point sur les mesures réglementaires encadrant l’utilisation et la dispensiation du Plaquenil et des préparations à base d’hydroxychloroquine.


On se souvient que le décret n°2020-314 du 25 mars 2020 complété par le décret n°2020-337 du 26 mars sont venus encadrer strictement la prescription de la spécialité Plaquenil dans le cadre du traitement des patients atteints du covid-19, en la réservant à un usage hospitalier pour le traitement de formes sévères de l’infection, après mise en œuvre d’une procédure collégiale.

Il s’agissait d’une autorisation dérogatoire aux dispositions encadrant la prescription hors AMM (Article L.5121-8 du code de la santé publique) dans l’attente notamment de résultats d’essais cliniques dits « randomisés » et permettant d’établir l’efficacité de l’hydroxychloroquine.

En outre, le décret du 25 mars 2020 visait à encadrer la dispensiation  par les pharmacies d'officine de ville, interdisant de fait et de manière détournée la prescription de la spécialité par les médecins de ville.


Ces dispositions ont été abordées dans la première partie de l’étude consacrée à cette problématique : COVID-19 et prescription de l’hydroxychloroquine : une liberté de prescription à géométrie variable ! (Partie I)


Plusieurs essais cliniques ont été menés en France depuis le début de l’épidémie, autorisés par l’ANSM, ainsi qu’à l’échelle européenne (essai Discovery coordonné par l’INSERM) et internationale (essais « solidarité » coordonné par l’OMS) afin d’évaluer le bénéfice-risque de l’utilisation de l’hydroxychloroquine chez des patients atteints du covid-19.

Or, le Ministre chargé de la santé appelait le 23 mai dernier à une révision des règles de prescription suite à la publication notamment de l’étude de la revue scientifique « The Lancet » et l’avis du Haut Conseil de la Santé Publique du 24 mai 2020, saisi en urgence sur l’utilisation de l’hydroxychloroquine[3].

Les modalités de prescription de l'hydroxychloroquine ont été révisées après que l’HCSP ait modifié ses recommandations issues des avis des 5 et 23 mars 2020 à la lumière de nouvelles publications nationales et internationales et des données issues de l’article publié le 22 mai dans la revue The Lancet, en dépit des critiques formulées à l’égard de cette étude, notamment la méthodologie empruntée, le caractère très controversé des résultats mais aussi des interrogations liées à l’accès à des données hospitalières.

Cet avis tend à considérer que « la balance bénéfice risque de l’hydroxychloroquine seule ou en association à l’azithromycine est défavorable en dehors de l’encadrement des essais cliniques ».
Le HCSP conclut que « les données actuelles disponibles, issues de la littérature, n’apportent pas la preuve d’un bénéfice sur l’évolution du Covid-19 lié à l’utilisation de l’hydroxychloroquine isolément ou en association à un macrolide (en raison du manque de robustesse d’une part, et de la récente publication du Lancet d’autre part) ; qu’il existe une toxicité cardiaque de l’hydroxychloroquine, particulièrement en association avec l’azithromycine ; que  la balance bénéfice risque seule ou en association à l’azithromycine est défavorable » et que « les recommandations internationales, nationales et celles d’experts consultées ne sont pas en faveur d’une utilisation en dehors du cadre d’essais clinique ».

En conséquence, « Le HCSP recommande :

Parallèlement, l’ANSM a lancé la procédure de suspension des inclusions de patients dans les essais cliniques menés en France. Seuls les patients en cours de traitement avec de l’hydroxychloroquine dans le cadre de ces essais cliniques pourront le poursuivre jusqu’à la fin du protocole[4].

Si depuis l’étude de la revue The Lancet, fondée sur les données douteuses fournies par la société américaine Surgisphère a été retirée, force est de constater que l’ANSM n’a pas abrogé la décision de suspension des inclusions dans les essais cliniques menées en France.

De même, le HCSP n’a pas révisé son avis du 24 mai 2020 préconisant de ne pas utiliser l’hydroxychloroquine (seule ou associée) dans le traitement du covid-19 en dehors des essais cliniques autorisés.

Dans la foulée et de manière assez précitée, le Décret n° 2020-630 du 26 mai 2020 modifiant le décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire a abrogé les mesures dérogatoires autorisant l’utilisation de l’hydroxychloroquine pour les patients hospitalisés.

L’étau semble donc se resserrer définitivement pour les défenseurs de l’utilisation de l’hydroxychloroquine dans le cadre du traitement du covid-19.

La prudence est de mise pour les médecins qui seraient tentés de l’utiliser en dehors des essais cliniques autorisés !

En revanche, les dispositions issues de l’article 6-2 de l’arrêté ne font que rétablir les conditions de dispensiation qui avaient été édictées en mars 2020, sans doute pour pallier l'abrogation hâtive par le décret du 26 mai dernier.


Rappelons qu’aux termes de l’article 12-2 du décret du 25 mars complété par celui du 26 mars, la délivrance en officine du Plaquenil était déjà réservée aux seules prescriptions conformes aux indications de l'AMM, de même que la spécialité ne pouvait être dispensée que dans le cadre des prescriptions initiales émanant des rhumatologues, internistes, néphrologues, neurologues et pédiatres ou dans le cadre du renouvellement de tout médecin. 


[1] Arrêté du 26 mai 2020 complétant l’arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaire pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire[1].
[2] L'article 19 du Décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire reprend les dispositions issues de l'article 12-2 des décrets de mars 2020.
[4] Communiqué de l’ANSM du 26 mai 2020