
Nullité de l'expertise médicale technique en l'absence de communication des conclusions motivées préalablement au dépôt du rapport définitif
-Par un jugement du 7 juillet 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a annulé l’expertise médicale technique en l’absence de communication des conclusions motivées au médecin traitant préalablement au dépôt du rapport définitif, au visa de l’article R.141-4 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige.
En l’espèce, l’assurée contestait l’avis du médecin conseil de la caisse primaire d’assurance maladie selon lequel son arrêt de travail n’était plus justifié à compter du 29 mars 2018.
La caisse avait donc cessé le versement des indemnités journalières à compter de cette date.
Une expertise médicale technique de première intention a été mise en œuvre en application des articles L.141-1 et R.141-1 à 10 du code de la sécurité sociale (dans leur rédaction applicable à la présente espèce, l’expertise médicale technique ayant été supprimée au 1er janvier 2022).
Dans les suites de l’expertise, l’assurée a saisi la CRA puis le pôle social afin de contester la décision de reprise d’activité et de cessation du versement des IJ prise sur la base de ce rapport à compter de la date de l’expertise (L'expert ayant considéré qu’elle n’était plus dans une incapacité totale au jour de l’expertise).
Indépendamment d’un examen incomplet de sa situation et de la communication tardive du rapport contesté, l’assurée faisait valoir que l’expert n’avait pas communiqué ses conclusions motivées à son médecin traitant préalablement au dépôt du rapport définitif, en violation de l’article R.141-4 du code de la sécurité sociale.
Il résulte de ces dispositions que l’expert désigné procède à l’examen de l’assuré dans les cinq jours suivant la réception du protocole. Il doit immédiatement établir ses conclusions motivées, qui sont communiquées au plus tard dans les quarante-huit heures de l’examen du malade au médecin traitant et à la caisse, avant l’élaboration de son rapport définitif qui doit être déposé dans le délai maximal d’un mois à compter de sa désignation.
En l’espèce, il ressortait des pièces produites que le rapport et les conclusions motivées avaient été établies le même jour et que la CPAM n’était pas en mesure d’établir la communication préalable des conclusions motivées au médecin traitant.
En défense, la CPAM faisait valoir que le délai de 48h pour transmettre les conclusions d’expertise n’était pas prescrit à peine de nullité.
Fort heureusement, ce moyen n’a pas prospéré.
Le pôle social admet la nullité du rapport d’expertise dès lors que le médecin traitant n’a pas été avisé, dans les 48H de l’expertise et préalablement au dépôt du rapport définitif, des conclusions motivées de l’expert.
« Il ne ressort en tout état de cause pas des pièces versées aux débats que les conclusions motivées du médecin expert ont été communiquées préalablement au dépôt du rapport au médecin traitant de M.G.
Dès lors, l’expertise médicale technique du 14 juin 2018 confiée au docteur P. est affectée d’une irrégularité substantielle faisant grief en portant atteinte au principe du contradictoire.
Il conviendra en conséquence d’annuler l’expertise médicale technique du 14 juin 2018 … ».
Relevons que le pôle social ne fait en réalité qu’entériner les solutions dégagées par la 2nde chambre civile de la Cour de cassation (Cour de cassation, 2ème chambre civile, du 14 septembre 2006 n°04.30.798, 2ème chambre civile, 20 septembre 2012 n°11-24.173).
Le pôle social rappelle en outre que cette omission constitue une irrégularité substantielle. Par conséquent, la nullité est encourue en l’absence de disposition prévoyant une telle sanction et sans qu’il soit nécessaire d’établir un grief.