
Indu SSIAD, la condamnation de l'établissement gestionnaire du service est-elle une fatalité?
-Les structures gestionnaires de SSIAD sont condamnées de façon constante à régler les indus notifiés par l’assurance maladie au titre des facturations individuelles d’actes infirmiers dès lors qu’il s’agit de patients bénéficiaires du service.
Une fois n’est pas coutume, la chambre sociale de la Cour d’appel de Rouen condamne en appel la structure gestionnaire d’un SSIAD a réglé l’indu notifié, prenant en considération deux éléments :
- Les soins litigieux ont été réalisés au bénéfice de patients pris en charge par le SSIAD ;
- La structure gestionnaire du SSIAD ne rapporte pas la preuve des règlements effectués aux libéraux.
La décision de la Cour d’appel de Rouen n’est pas isolée. Bien au contraire, elle s’inscrit dans la lignée jurisprudentielle actuelle qui tend à considérer que la rémunération des infirmiers libéraux est nécessairement incluse dans la dotation globale de soins versée au service mais aussi à renverser la charge de la preuve.
Il n’en demeure pas moins qu’elle est critiquable
Certaines décisions ont pu se fonder sur le défaut de coordination des interventions des professionnels libéraux ou l’inopposabilité à la CPAM de la convention de collaboration conclue avec les IDEL.
Qu’en est-il lorsque les infirmiers libéraux effectuent des soins en dehors du cadre conventionnel et qu’ils interviennent à la demande expresse du patient, sans information préalable du SSIAD et que les soins réalisés ne sont pas prévus dans le cadre du protocole de soins validés avec l’infirmier coordonnateur.
Ces circonstances sont sans incidence sur la solution retenue, les juges se fondant principalement sur la qualité des bénéficiaires, sans prendre en considération la réalité pratique du terrain, les circonstances propres à chaque dossier et sans se préoccuper des implications financières d’une telle solution.
Les doubles facturations peuvent être la conséquence du non-respect pas les IDEL de la convention de collaboration. Or, les condamnations des structures gestionnaires interviennent peu importe l’absence de faute du service, peu importe l’erreur éventuelle de la caisse ou que les libéraux sont intervenus en dehors de toute convention avec le service.
Dans les faits, certains IDEL n’informent pas de façon systématique les SSIAD des demandes directes de patients ni des actes réalisés en dehors du plan de soins établi initialement par le SSIAD. De plus, l’interdiction de facturer directement à l’assurance maladie les soins réalisés au bénéfice de patients du SSIAD est généralement inscrite dans les conventions de collaboration.
Dans ce cas de figure, il peut être difficilement reproché un défaut de coordination au SSIAD qui ne peut actualiser le plan de soins que s’il a été tenu préalablement informé.
Cette solution est d’autant plus critiquable que la CPAM a également la possibilité de contrôler les prescriptions des infirmiers dont le SSIAD n’a pas connaissance lorsqu’ils interviennent en dehors de tout conventionnement.
Du reste, il apparaît plus difficile pour les structures gestionnaires de SSIAD de maîtriser leur budget dès lors que cette politique jurisprudentielle de financement « tout compris » conduit à mettre à la charge des structures gestionnaires la rémunération d’actes effectués à leur insu, en dehors de tout cadre conventionnel, alors même que le secteur des soins à domicile souffre d’un sous-financement
Mais tel que j’ai pu le rappeler à l’occasion d’une précédente publication, la condamnation de l’établissement n’est pas une fatalité.
Si l’établissement parvient à établir qu’il a réglé les actes réalisés aux infirmiers libéraux (y compris postérieurement à la notification du constat d'anomalies), la caisse peut agir directement contre le professionnel libéral pour obtenir réparation du préjudice qui lui a été causé du fait des facturations individuelles à l’assurance maladie.
Par ailleurs, il apparaît essentiel de mettre en place une organisation et un processus de facturation de nature à sécuriser l’activité du SSIAD et à se prémunir des risques financiers résultant de procédures de recouvrement d’indus.
Cela passe notamment par la mise en œuvre d’une planification commune, intégrée et coordonnée des interventions au domicile des patients.