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LE MEDECIN PEUT-IL REFUSER DE DELIVRER UN CERTIFICAT MEDICAL DANS LE CADRE DE L'AFFAIRE DU LEVOTHYROX ? OUI...MAIS NON !

Dans le cadre de l’enquête préliminaire confiée au pôle de santé publique du TGI de Marseille, le parquet a mis en ligne un formulaire type à remplir par les « victimes du changement de formule du Lévothyrox » à l’appui d’une plainte.

Les plaignants doivent produire notamment les pièces médicales suivantes :

  • Un certificat médical établi par le médecin en charge du suivi du traitement ;
  • Les ordonnances du Lévothyrox nominatives ;
  • Les résultats d’analyse biologique médicale de l’année 2017 ;
  • Les numéros de lots du médicament consommé.

Il est précisé que le certificat médical doit contenir au minimum les informations suivantes :

  • La pathologie à l’origine du traitement ;
  • La date d’apparition et la description des effets indésirables rapportés au changement de formule du Lévothyrox ;
  • Suites données par le médecin ;
  • Conséquences médicales et éventuelle ITT

De nombreux médecins ont été sollicités par leurs patients pour l’établissement d’un certificat médical dans la mesure où il est un document de preuve indispensable à l’introduction d’une procédure (qu'elle soit pénale ou civile).

Certains patients ont fait part de leurs difficultés à obtenir un certificat médical et sont allés jusqu’à porter plainte à l’encontre de médecins ayant refusé de rédiger un certificat médical.


S’il fait partie de l’exercice quotidien des médecins et que sa production est exigée dans de nombreuses situations (décès, ATMP, invalidité etc.), l’établissement et la production d’un certificat médical n’est pas une pratique à banaliser.

Or, il est très souvent perçu comme une simple formalité que le médecin n’est pas en droit de refuser.

Cet article est donc l’occasion de faire le point sur les règles d’établissement et de délivrance du certificat médical.


Quelles sont les règles de délivrance ?

Hors les cas de révélations permises ou imposées par la loi, le secret médical doit être observé à l’égard des tiers (R. 4127-4, -50, -76 du CSP et 226-13 et -14 du CP).

C’est pourquoi la délivrance d’un certificat médical doit respecter certaines règles :

Il ne doit être délivré qu’à la demande du patient et lui être remis en main propre. Le médecin doit en faire mention sur le certificat, ce qui est traduit par la mention suivante : « Certificat établi à la demande l’intéressé et remis en main propre pour faire valoir ce que de droit ».

Il existe diverses exceptions, notamment, dans le cadre d’une d’expertise judiciaire confiée à un médecin expert (rapport établi conformément à la mission confiée)[1].

En revanche, il est interdit de transmettre un certificat médical à l’assureur ou son médecin conseil et ce, même avec l’accord du patient.

Le code de déontologie précise que « L'exercice de la médecine comporte normalement l'établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu'il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires »[2].

Une interprétation littérale de ces dispositions conduit à circonscrire l’obligation de délivrance du médecin selon que la production est prescrite ou pas par les textes législatifs et réglementaires.

Certificats obligatoires et non obligatoires

Il est des situations dans lesquelles la production d’un certificat médical est exigée par les textes :

  • Décès ;
  • naissance ;
  • vaccinations ;
  • certificats destinés à obtenir des avantages sociaux (maladie, maternité) ;
  • ATMP ;
  • hospitalisation sous contrainte ;
  • violences, sévices sexuels etc.

Le code de déontologie précise que le médecin doit faciliter l'obtention par le patient des avantages sociaux auxquels son état lui donne droit.

Dans l'hypothèse où la production d'un certificat médical est obligatoire, le médecin ne peut donc pas refuser sa délivrance au patient (excepté le cas où la demande du patient serait abusive : certificat de complaisance).

Dans les autres hypothèses, à mon sens, l'opportunité de délivrer un certificat médical doit être laissée à l'appréciation du médecin en charge du suivi du patient.

C'est pourquoi, les consignes d'établissement des certificats médicaux dans le cadre de l'affaire du Lévothyrox, publiées le 11 octobre 2017 laissent perplexes.

Après un rappel des dispositions de l'article R4127-76 du Code de la santé publique, susvisé, l'Ordre National des Médecins indique "même si, dans ce dossier, le certificat médical dont la production est exigée n'est prescrit par aucun texte, le médecin, ne peut à notre avis, refuser de le délivrer.
C'est la raison pour laquelle il nous est apparu opportun de renouveler les conseils rédactionnels de ce certificat qui ne peut être refusé au patient demandeur".


Force est de constater que l'Ordre National des Médecins ne tire pas les conséquences de ces propres constatations.

Dans le cadre de l'affaire du Lévothyrox, la production du certificat médical n'est exigée par aucun texte.

En revanche, il constitue un mode de preuve médico-légal dans la mesure où il permet aux justiciables de constater leur état de santé.

Par conséquent, le refus de délivrer un certificat médical a pour conséquence de léser le justiciable qui n’est donc pas en mesure de faire valoir ses droits et prétentions.

La position de l'Ordre National des Médecins semble donc davantage dictée par cette volonté de préserver les droits de victime, aussi bien sur le plan pénal que civil, que sur une application littérale des principes déontologiques régissant l'établissement et la délivrance des certificats médicaux.

Il n'en demeure pas moins que le médecin doit pouvoir jouir d’une liberté d’appréciation de l’opportunité d’établir un certificat médical dans la mesure où il ne s’agit pas d’une demande de certificat obligatoire.


Motifs pouvant justifier un refus de délivrance

Conformément aux principes déontologiques, le médecin est fondé à refuser sa délivrance  dans certaines hypothèses, en particulier :

  • Lorsqu’il s’agit d’une demande manifestement abusive ou injustifiée du patient ;
  • S’il n’est pas en mesure de certifier les faits médicaux à l’issue de l’examen clinique du patient.

 « La délivrance d'un rapport tendancieux ou d'un certificat de complaisance » est en effet interdite par le code de déontologie.

Dans le cadre de l'affaire du Lévothyrox, on ne peut que s'étonner des exigences rédactionnelles énoncées par le Parquet de Marseille. Il est évident qu'elles sont contraires au principe de prudence qui s'impose à tout médecin lors de l'élaboration d'un  certificat médical.

Quelques précautions sont donc nécessaires lorsque le médecin est sollicité par le patient à l’effet d’établir un certificat médical, ce que rappelle par ailleurs l'Ordre National des Médecins dans les consignes  de 2006 et plus récemment, dans la lettre circulaire du 11 octobre 2017.

Quel est le contenu du certificat médical ?

 A l’instar des cas où la réglementation impose un modèle de certificat, le code de déontologie médicale impose un certain formalisme.

  • Le certificat doit permettre l’identification du praticien rédacteur et être signé par lui ;
  • Il doit être daté du jour de sa rédaction même si l’examen médical a été pratiqué quelques jours plus tôt ;
  • Il ne doit être délivré qu’à la demande du patient et lui être remis en main propre. Le médecin doit en faire mention sur le certificat  « certificat établi à la demande l’intéressé et remis en main propre pour faire valoir ce que de droit ».
  • Le code de déontologie exige une certaine circonspection du médecin lors de la rédaction du certificat
Le médecin ne doit certifier que les faits médicaux personnellement constatés à l’issue de l’examen clinique du patient.

Le médecin doit s’abstenir d’établir toute relation de cause à effet entre les difficultés relatés et l’état de santé du patient.

De même, dans le cadre de l’affaire du Lévothyrox, le médecin doit s’abstenir d’établir un lien de causalité entre les troubles constatés et/ou décrits et l’origine que le patient leur impute, de même qu’il n’est pas tenu de se prononcer sur une incapacité de travail.

Il engage sa responsabilité lorsque le certificat médical a été établi sans examen personnel du patient ou en violation d’une obligation légale ou déontologique (secret médical, certificat de complaisance ou contenant des indications inexactes, immixtion dans les affaires de famille ou la vie privée).

A titre d'exemple, la responsabilité disciplinaire d'un médecin a été admise en raison d'un certificat dit tendancieux, établi dans le cadre d’une procédure de divorce, dans la mesure où il ne se contente pas de relater les constatations médicales qu'il avait pu effectuer sur son patient mineur et mettant en cause la responsabilité du père ou qui tend à dénaturer les conséquences d’un accident de travail ou de maladie professionnelle.

Il doit donc décrire de façon précise et objective les seuls éléments médicaux constatés et qui concernent personnellement le patient examiné sans se prononcer sur l’existence d’un lien de causalité entre les effets secondaires constatés chez un patient et la prise d’un médicament.

Le médecin a la faculté de retranscrire, si c'est utile, les doléances du patient ou les données interrogatoires (antécédents, symptômes) dès lors qu'il veille à distinguer les faits médicaux personnellement constatés à la suite de l’examen clinique du patient, des doléances exprimées par le patient ou ses allégations, lesquelles doivent être rédigées entre guillemets et sous la forme conditionnelle (cela étant, cela n'apparait pas toujours justifié en particulier en matière de responsabilité et de réparation de dommages corporels ou dans les contentieux relatifs à l'incapacité ou au caractère professionnel d'un ATMP).

EN CONCLUSION

Un certificat médical a valeur de preuve médico-légale. Son contenu expose le médecin à une responsabilité particulière eu égard aux conséquences attachées à sa production dans le cadre de démarches administratives, visant à l'attribution d'avantages sociaux ou dans le cadre d’une procédure judiciaire.
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L’Ordre National des Médecins a mis en évidence que 20% des plaintes enregistrées auprès des chambres disciplinaires de première instance visent à engager la responsabilité du médecin en raison du contenu du certificat médical[4].

L’analyse des textes tend à circonscrire l’obligation de délivrance d’un certificat médical dans les seuls cas où sa production est prescrite par un texte législatif ou réglementaire.

En revanche, il n’apparait pas légitime de refuser la délivrance d’un certificat médical dès lors que le certificat se borne à consigner des constatations médicales qu’il a personnellement effectuées à la suite de l’examen clinique du patient et qu'il est établi  dans les règles prescrites par l'Ordre.
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Dans la perspective d'un contentieux disciplinaire, il appartiendra au médecin signataire mis en cause pour un refus de délivrance de justifier d'un motif légitime de refus.

Le refus de délivrer le certificat médical, de même que la remise en cause du contenu du certificat médical établi, en raison d'une divergence d'interprétation des faits médicaux entre le médecin et son patient, ne devraient pas avoir pour effet d'engager la responsabilité du médecin signataire.

Un point déterminant que les patients tendent à oublier parce que l'établissement et la portée d'un certificat médical ont malheureusement été banalisés aux yeux du public.

Par Mélanie HUET

[1] Egalement sur réquisitions du Procureur de la République, dans le cadre d’une mesure de garde à vue.

[2] Article R4127-76 du Code de santé publique

[3] Lettre Circulaire de l’Ordre National des Médecins du 11 octobre 2017

[4] Publication du 15 mars 2017 sur le site du conseil national des médecins – rédiger un certificat

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