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Indu HAD : la preuve de l'indu est admise par tout moyen

En matière de facturation des prestations d’hospitalisation à domicile, il existe un débat récurrent sur le périmètre du forfait « Groupe Homogène de Tarif » (GHT).

L’assurance maladie considère en effet que le forfait GHT est « un tout compris » destiné à couvrir toutes les prestations effectuées au bénéfice d'un patient durant la période d'hospitalisation à domicile.

Le débat se durcit lorsque la caisse entend procéder au recouvrement d’indus relatifs à des actes ou prestations (délivrance de médicaments ou de dispositifs médicaux, actes de biologie, soins de kinésithérapie) dispensés par des prestataires externes à l’établissement qui adressent, en conséquence, directement les prescriptions et demandes de remboursement à l’organisme.

La CPAM se prévaut régulièrement de l’inopposabilité des conventions conclues entre eux et poursuit le règlement des indus entre les mains de l’établissement d’HAD.

L’affaire présentement commentée est révélatrice de ces difficultés.

La SARL d’hospitalisation à domicile Bouches du Rhône Est (HAD) a fait l’objet d’un contrôle des facturations au titre de l’année 2015 pour des patients hospitalisés à domicile.

Le montant d’indu relevé initialement s’élevait à la somme de 76 947.07 euros.

A l’issue du contrôle et au regard des observations formulées par la société HAD la caisse a ramené l’indu notifié à la somme de 21 049,37 euros.

Cette notification a fait l’objet d’un recours devant la commission de recours amiable qui a été rejeté par une décision du 31 octobre 2017.

En première instance, le tribunal des affaires de la sécurité sociale a rejeté le recours contre la décision de la commission de recours amiable et a condamné la société d’HAD à rembourser à la sécurité sociale la somme de 21 049,37 euros, aux termes d’un jugement du tribunal des affaires de la sécurité sociale du 10 décembre 2018.

La société décide d’interjeter appel dudit jugement.

En appel, la société va demander d’enjoindre à la Cour de fournir les justificatifs des sommes dont elle réclame le remboursement et à défaut d’infirmer le jugement, d’annuler l’indu notifié et de condamner la caisse à verser la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du CPC.

Elle faisait valoir que ni les patients dont elle gérait l’hospitalisation à domicile, ni la caisse ne lui avaient jamais transmis les prescriptions médicales à partir desquelles les services de la caisse avaient procédé à des remboursements pour des prestations qu’elle estimait incluses dans le forfait GHT. La caisse avait confirmé avoir reçu les prescriptions médicales et les demandes directement des professionnels de santé externes (pharmaciens, kinésithérapeutes ou orthophonistes).

La caisse n’a jamais communiqué les prescriptions sur la base desquelles elle fondait sa notification d’indu. Outre que ce défaut de communication privait l’établissement de s’expliquer utilement dans le cadre de la procédure contradictoire, la caisse n’apportait pas la preuve que les indus réclamés concernaient les soins et prestations incluses dans le forfait GHT.

La société faisait en outre valoir une série d’anomalies de nature à affecter les bases de calcul de l’indu notifié et à propos desquelles la CPAM n’avait pas apporté la moindre explication.

Bref, en appel, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence estime que la société HAD établissait la preuve que les indus ne lui étaient pas imputables et que la caisse disposait de tous les éléments pour lui permettre d’adresser sa demande de remboursement aux prestataires concernés.

Elle relève en outre que la caisse ne rapportait pas la preuve que les indus se rapportaient à des actes et prestations incluses dans le forfait GHT.

En conséquence, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence annule la notification d’indu et déboute la caisse de sa demande de remboursement[1].

Aux termes de cette décision, les juges du fond sanctionnaient donc le défaut de production des prescriptions médicales correspondant aux indus notifiés.

La CPAM des Bouches-du-Rhône se pourvoi en cassation.

Dans le cadre de son pourvoi, elle faisait notamment valoir :

  • D’une part, que la production de telles prescriptions importait peu dès lors qu’aucun soin de ville, dispensé à une personne pendant la période au cours de laquelle elle est prise en charge en HAD, ne pouvait être facturé directement et individuellement à l’assurance maladie.
  • D’autre part, que le forfait global couvrait l’ensemble des soins dispensés aux personnes prises en charge par la structure d’HAD.
Le raisonnement qui avait séduit les juges du fond est censuré par la seconde Chambre civile de la Cour de cassation aux termes de son arrêt du 27 janvier 2022 (n°20/18.132)[2].

Selon l’article R. 162-32, 1°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, « les catégories de prestations d’hospitalisation donnant lieu à une prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale mentionnées au 1° du quatrième comprennent le séjour et les soins avec ou sans hébergement, représentatifs de la mise à disposition de l’ensemble des moyens nécessaires à l’hospitalisation du patient, à l’exception de ceux faisant l’objet d’une prise en charge distincte en application des dispositions du sixième. La prise en charge des frais occasionnés par ces prestations est assurée par des forfaits.
5. Il en résulte que le forfait «groupe homogène de tarif» versé à un établissement dhospitalisation à domicile en application de larticle R. 162-32, 1°, susvisé, couvre lensemble des actes, prestations et produits dont a bénéficié le patient durant la période d’hospitalisation à domicile, à l’exception des frais et honoraires limitativement énumérés à l’article R. 162-32-1 du code de la sécurité sociale.
6. Il appartient à l’organisme social qui engage une action en répétition de l’indu fondée, en application de l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, sur la méconnaissance des règles de tarification et de facturation fixées par les articles R. 162-32, 1°, et R. 162-32-1, d’établir l’existence du paiement d’une part, son caractère indu d’autre part. Le caractère indu du paiement résulte de ce que l’organisme social a pris en charge des actes, produits et prestations inclus dans le forfait, tel que défini au paragraphe 5.
7. Cette preuve peut être rapportée par tout moyen.
8. Pour annuler l’indu litigieux, l’arrêt énonce que les tableaux établis par la caisse permettent de constater qu’elle était en possession de chaque prescription médicale lorsqu’elle a procédé au remboursement de chaque prestation au cours de l’année 2015, mais également au moment du contrôle de facturation. Il observe que ces prescriptions n’ont jamais été remises à la société d’hospitalisation à domicile malgré plusieurs demandes en ce sens. Il affirme que pour pouvoir contester utilement l’indu, la société devait nécessairement prendre connaissance des prescriptions médicales, qui n’étaient pas en sa possession.
9. En statuant ainsi, alors que la caisse était admise à prouver l’indu par tout moyen, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 février 2020, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence; ».

Il est constant que la Haute juridiction procède classiquement à un renversement de la charge de la preuve de l’indu puisqu’il appartient aux structures contrôlées d’apporter les éléments de preuve de nature à contester les anomalies de facturation invoquées par la caisse.

Tout aussi classiquement, la Haute juridiction considère que la preuve de l’indu est rapportée par la production du tableau récapitulatif et standardisé des indus notifiés.

Une fois n’est pas coutume, la seconde chambre civile se montre très favorable à l’assurance maladie.

Elle rappelle, aux visas des articles L.133-4 ; R.162-32 1° ; R.162-32-1 du code de la sécurité sociale et des articles 1353 et 1358 du code civil, que la preuve de l'indu (c’est-à-dire du fait que l’organisme a pris en charge des actes, produits et prestations incluses dans le forfait GHT), est admise par tout moyen.

Elle annule en conséquence l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence qui a considéré que la caisse ne rapportait pas la preuve de l'indu, faute de production des prescriptions médicales.

Cette solution interpelle car la preuve de l'indu ne peut résulter uniquement du fait qu’elle aurait procédé à un double paiement des factures. En l’espèce, la société d’HAD contestait les décomptes de la CPAM qu’elle n’était par ailleurs pas en mesure de vérifier en l’absence de communication des prescriptions médicales

D’autre part, la seule production du tableau ne permet pas d’établir que l’ensemble des prescriptions intervenues durant la période d’HAD seraient incluses dans le forfait GHT.

En définitive, la Haute juridiction continue de renverser la charge de la preuve et il appartient à la structure de produire les éléments permettant de contredire les indus réclamés et en particulier que les actes, produits et prestations n’entraient pas dans le périmètre du forfait GHT.

Mais cette preuve sera presque impossible à rapporter lorsque les prescriptions médicales ont été délivrées dans un autre cadre que l’HAD et que les prestations ont été facturées directement à l’assurance maladie par des professionnels de santé externes à l’HAD.

C’est donc uniquement si les prescriptions médicales délivrées sont communiquées par la CPAM que la société d’HAD sera en mesure de procéder au contrôle de l’indu.

Sur le fond, un autre arrêt rendu le même jour rappelle que le forfait GHT couvre l’ensemble des soins engagés dans l’intérêt du patient durant la période d’hospitalisation à domicile[3].

Dès lors, il conviendrait de démontrer que les prescriptions médicales en cause concernaient certains types de frais ou de prestations ayant fait l’objet d’une prise en charge distincte et non compris dans le forfait GHT, conformément à l’article R.162-32-1 dans sa rédaction en vigueur.


[1] Cour d’appel d’Aix-en-Provence, chambre, 4-8, 12 février 2020, n°19/01327
[2] Cass. 2e civ., 27 janv. 2022, n° 20-18.132, Publié au bulletin.
[3] Cass. 2e civ., 27 janv. 2022, n° 20-18.065, Publié au bulletin. Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/CASS/2022/CASSPF8E9B132D483E043484F
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