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Médicaments génériques et recours à la mention "non substituable" : une liberté de prescription surveillée !

Par un arrêt remarqué, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation est venue rappeler la nécessité pour le médecin prescripteur de justifier le recours à la mention "non substituable"[1] (NS).

La mention "non substituable"  signifie que le médecin prescripteur exclut la possibilité pour le pharmacien de substituer un médicament générique à celui inscrit sur l’ordonnance.

Par principe, le pharmacien ne peut délivrer un médicament autre que celui qui a été prescrit qu’avec l’accord exprès et préalable du médecin prescripteur, sauf urgence ou dans l’intérêt du patient.

Par dérogation, le pharmacien peut délivrer un médicament générique à condition que le prescripteur n’ait pas exclu cette possibilité pour des raisons particulières tenant au patient, par une mention expresse portée sur la prescription sous forme exclusivement manuscrite « non substituable » et sous réserve que cette substitution respecte la « plus stricte économie »;[2]

L’on sait que les médecins contrôleurs attachent une importance particulière au contrôle des prescriptions assorties de la mention non substituable, compte tenu de la volonté politique de favoriser la prescription de médicaments génériques.

L’article L.162-1-14 de la sécurité sociale autorise le prononcé d’une pénalité financière à l’encontre d’un professionnel de santé en raison notamment de l'inobservation des règles susvisées.

Dans cette affaire, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Eure  (la caisse) a notifié une pénalité financière de 1 500 euros à un médecin généraliste, à l’issue d’un contrôle d’activité, au motif que ce dernier apposerait de manière abusive la mention non substituable sur ses prescriptions de médicaments.

La caisse fonde sa décision sur une analyse statistique par le service de contrôle médical de la caisse du taux de recours à la mention non substituable sur la période du 1er septembre 2013 au 31 décembre 2013. Selon cette analyse, 159 prescriptions sur 366 comportaient la mention NS.

En première instance, le Tribunal des affaires de la sécurité sociale statuant en dernier ressort, a annulé la pénalité financière décidée à son encontre.

Les juges de première instance considèrent « qu’il appartient à la caisse de démontrer le caractère abusif » relevant qu’aucun rapport de contrôle  n’était versé aux débats. Ils relevaient également que « les seules indications statistiques données par la caisse ne peuvent suffire à démontrer, patient par patient, en quoi la possibilité d’une substitution répondait à une exigence d’économie en fonction des impératifs de sécurité et d’efficacité des soins ».

La Cour de cassation casse et annule le jugement rendu le 6 février 2017 rappelant ainsi la charge de la preuve qui pèse sur le médecin dans le cadre d’un contrôle d’activité.

« Qu’en statuant ainsi, alors même que le recours à une prescription assortie de la mention « non substituable » doit être dûment justifié par le médecin prescripteur, le tribunal, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes  susvisés ; ».

Cette solution est très critiquable du point de vue de la régularité du contrôle et des justifications purement économiques de la substitution apportées par la caisse.

Outre qu'il me semble impératif d'encadrer le recours à cette mention par des critères médicaux objectifs, le médecin contrôleur doit s’attacher à vérifier, pour chaque prescription assortie de la mention NS, si elle est justifiée par des raisons particulières tenant au patient.


Cependant, d’un point de vue probatoire, la nécessité de justifier l'exclusion d'une substitution par le pharmacien par des raisons particulières tenant au patient résulte de la lettre même de l’article L.5125-23 du code de santé publique.

Cette solution s’inscrit également dans la continuité de la jurisprudence qui se veut très protectrice des intérêts de la sécurité sociale et renforce la charge de la preuve pesant sur les professionnels de santé (et les établissements de santé) dans le cadre d’un contrôle d’activité.

A mon sens, certaines critiques de l’arrêt ont décrié un peu trop hâtivement cette décision oubliant que le dossier médical est l’élément de preuve indispensable dans le cadre d’un contrôle d’activité.

On peut légitimement se demander si la solution aurait été différente si le médecin avait produit les éléments du dossier patient permettant de justifier de manière objective et médicale le recours à la prescription de médicaments non substituables ?

En tout état de cause, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 tend à encadrer plus strictement les modalités de substitution et le recours à la mention non substituable, avec l’objectif de limiter le recours des médecins à la mention NS.

Le dossier de presse relatif au projet de la loi de financement de la sécurité sociale souligne « que le taux de substitution générique/princeps dépasse à ce jour les 80% en France. Cependant, les mécanismes en faveur de la substitution montrent qu’aujourd’hui, un certain essoufflement pour assurer le plus haut niveau possible de substitution du princeps par le générique ».

L’article 66 de la LFSS modifie ainsi l’article L.5125-23 du code de la santé publique.

Des critères médicaux objectifs seront définis par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, après avis de l’agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé  (ANSM) pour définir les situations médicales dans lesquelles l’exclusion d’une substitution est justifiée et partant, limiter le recours des médecins à la mention NS sur les ordonnances.


NOTES : 

[1] Cour de cassation, 2ème civ. 31 mai 2018, publié au bulletin, pourvoi n°17-17749
[2] Articles L.5125-23 du code de la santé publique ; L.162-2-1 du code de la sécurité sociale.
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