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PROTECTION FONCTIONNELLE : UN HOPITAL PEUT-IL LA REFUSER?

Voici une question qui peut apparaître théorique mais qui, en réalité, est loin d’être une hypothèse d’école.

Il n’est pas rare que des hôpitaux se voient confrontés à des actions indemnitaires lorsqu’ils refusent d’accorder la protection fonctionnelle à un agent public ou un praticien hospitalier.

L’article 11 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 énonce que la collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre « les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions » et de réparer, le cas échéant, l’intégralité des préjudices causés.

Le Conseil d’Etat a réaffirmé à plusieurs reprises que la protection fonctionnelle constitue un principe général du droit[1]. Ainsi, cette protection est reconnue à l’ensemble des agents stagiaires, titulaires, agents contractuels de droit public et depuis la loi du 20 avril 2016, aux praticiens hospitaliers[2].

Est-ce à dire que cette protection est de droit pour l’agent ou le praticien hospitalier ? Je ne le pense pas.

En effet, plusieurs dispositions réglementaires tendent à encadrer les conditions d’octroi  de la protection fonctionnelle.

Quelles sont les conditions de mise en œuvre de la protection fonctionnelle ?

La protection fonctionnelle désigne les mesures d'assistance mises en œuvre par l’administration hospitalière au bénéfice de son agent (ou praticien hospitalier) lorsqu’il fait l'objet « d'attaques personnelles » dans le cadre ou à raison de ses fonctions.
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Cela étant, il résulte des dispositions réglementaires susvisées que le bénéfice de la protection fonctionnelle est soumis à certaines conditions :

  • De fait : Le demandeur doit établir qu’il est victime d’attaques personnelles, lesquelles sont limitativement énumérées par les textes : il s’agit des menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages.
  • De forme : les modalités d’introduction de la demande sont définies par les textes[3].

L’agent qui souhaite bénéficier de la protection fonctionnelle doit formuler sa demande par écrit auprès de l’établissement de santé public employeur à la date des faits en cause.

Cette demande doit être motivée et exposer les faits ou les poursuites justifiant cette demande afin d’éclairer utilement l’administration dans sa prise de décision.

Quels sont les hypothèses de refus légitime ?

Il existe plusieurs hypothèses de refus. Certaines sont d’origine réglementaire, une autre est d’origine jurisprudentielle.

  • Tardiveté de la demande

Le simple fait que la demande survienne longtemps après l’attaque contre l’agent ne suffit pas à lui seul à justifier un refus. En revanche, le refus peut apparaître légitime si l’administration parvient à démontrer qu’elle se trouve dans l’incapacité de la mettre en œuvre au regard de la tardiveté de la demande[4].

Cette notion de tardiveté est bien évidemment une question de fait laissée à l’appréciation des juges du fond.

Le Conseil d’Etat a pu estimer que l’administration n’est pas tenue de donner suite à une demande dès lors que compte tenu de l’ancienneté des faits, aucune démarche de sa part, adaptée à la nature et à l’importance des faits, n’est envisageable.

  • Insuffisance de motivation

Comme indiqué supra, la demande doit apporter les précisions nécessaires sur la matérialité des faits allégués. Il appartient à l’agent ou au praticien qui se prétend victime d’effectuer une demande circonstanciée et d'apporter toutes précisions utiles sur les faits[5].

En conséquence, il apparaît légitime pour l’administration de refuser la protection fonctionnelle dès lors qu’elle ne dispose pas d’éléments suffisants à  établir la matérialité des « attaques personnelles » au titre desquelles la demande de protection est formulée.

A titre d’exemple, la diffusion publique d’un courrier dénonçant certains faits et mettant en cause nommément plusieurs agents d’un service a pu justifier la protection fonctionnelle accordée par l’établissement public employeur.

  • Exception d’intérêt général 

Cette dernière hypothèse de refus est envisagée par le Conseil d’Etat.

Selon la formule traditionnelle du Conseil d’Etat, lorsqu’un agent est mis en cause par un tiers, à raison de ses fonctions, il incombe à l’administration dont il dépend de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamation et outrages dont il est l’objet, "à moins qu’un motif d’intérêt général s’y oppose »[6].

Le Conseil d’Etat est venu confirmer à deux reprises la légalité d’une décision de refus de protection fonctionnelle fondé sur un motif d’intérêt général.

Dans l’une des affaires[7], un praticien hospitalier se plaint de diffamation de la part des membres d’un syndicat qui avaient distribué un tract lui imputant « un problème comportemental et un épisode de violence ».

Dans la mesure où il est établi que l’agent entretien des relations difficiles avec le personnel hospitalier et que la poursuite d’une action en diffamation est susceptible d’avoir des répercussions sur la qualité des soins assurés par l’établissement, il a été jugé que l’intérêt général s’oppose à ce que le centre hospitalier lui accorde sa protection fonctionnelle.

EN CONCLUSION,

La protection fonctionnelle est un droit statutaire accordé aux agents publics et aux praticiens hospitaliers permettant de bénéficier, à certaines conditions, d'une assistance et d’une prise en charge des frais exposés par le bénéficiaire dans le cadre d’une instance, par l’établissement public employeur.

L’agent qui souhaite bénéficier d’une telle protection doit formuler sa demande par écrit auprès de l’établissement public employeur à la date des faits en cause, et en temps utile, en précisant les faits au titre desquels elle est sollicitée.

Il en résulte que la tardiveté de la demande, l’insuffisance de motivation ou l’intérêt général pourraient être de nature à justifier, le cas échéant, un refus de protection fonctionnelle.

En l’état de la jurisprudence, l’exception d’intérêt général semble être caractérisée dans l’hypothèse d’un climat gravement conflictuel ou d’une mésentente récurrente au sein de l’équipe, de nature à compromettre l’organisation du service et la qualité des soins dispensés aux patients.

Rappelons enfin que le décret n°2017-97 du 26 janvier 2017[8] rappelle les modalités de mise en œuvre de la protection fonctionnelle et précise les conditions de prise en charge des frais et honoraires d'avocat exposés par l’intéressé ou leurs ayants droit dans le cadre des instances civiles ou pénales.

Le texte s'applique aux demandes de prise en charge de frais exposés dans le cadre d'instances civiles ou pénales introduites pour des faits survenant à compter du 29 janvier 2017.

La décision de prise en charge au titre de la protection fonctionnelle indique les faits au titre desquels la protection est accordée. Elle précise les modalités d'organisation de la protection, ainsi que sa durée (qui correspond généralement à celle de l’instance).

Lorsqu’une convention a été conclue entre l’avocat et l’agent, les frais exposés sont réglés directement par l’agent et remboursés par l’établissement sur justificatifs des factures dont il s’est acquitté.

Une convention peut être conclue entre l’établissement public et l’avocat désigné par l’agent. Dans ce cas, il règle directement les frais exposés et prévus dans la convention à l’avocat.


NOTES :

[1] En ce sens, CE 26 juillet 2011, CE, 30 juin 2017, n°396908

[2] La consécration législative de la protection fonctionnelle au bénéfice des praticiens hospitaliers résulte de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits des fonctionnaires.

[3] La Circulaire n°2158 du 5 mai 2008 relative à la protection fonctionnelle des agents publics de l’Etat ainsi que le récent décret n°2017-97 du 26 janvier 2017 relatif aux conditions et limite de la prise en charge  des frais exposés dans le cadre des instances civiles ou pénales par l’agent public et ses ayants droit (pris en application de l’article 20 de la loi du 20 avril 2016) précisent les modalités d’introduction de la demande.

[4] En ce sens, deux arrêts du Conseil d’Etat : Conseil d’Etat, 21 décembre 1994, requête n°140066 ; Conseil d’Etat, 28 avril 2004 requête n°232142).

[5] CE, 24 février 1995, requête n°112538

[6] Conseil d’Etat, 8 juin 2011 requête n°312700 confirmé par Conseil d’Etat, 26 juillet 2011 n°336114.

[7] CE sect, 26 juillet 2011, n°336114

[8] Le décret n°2017-97 du 26 janvier 2017 relatif aux conditions et limite de la prise en charge des frais exposés dans le cadre des instances civiles ou pénales par l’agent public et ses ayants droits

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