Le Conseil d’Etat confirme la légalité d’une décision d’arrêt des traitements d’une enfant souffrant d’une maladie auto-immune sévère, retrouvée inanimée à son domicile à la suite d’un arrêt.
La haute juridiction a estimé que la décision d’interrompre la ventilation mécanique et de procéder à l’extubation de l’enfant, prise à l’issue d’une réunion collégiale, répond aux exigences fixées par la loi.
Cette décision médicale a été prise à l’issue d’une procédure de concertation et sur avis notamment d’un professeur de pédiatrie, appelé en qualité de consultant, conformément aux dispositions du code de la santé publique.
En référé, une expertise a été ordonnée et confiée à un collège de trois experts, lesquels ont pu mettre en évidence la sévérité des lésions neurologiques constatées ainsi que leur caractère irréversible.
L’ordonnance rendue par le Conseil d’Etat, le 5 janvier 2018, rappelle les conditions légales et médicales d’un arrêt des traitements dans le cas d’un patient mineur, hors d’état d’exprimer sa volonté[i].
Le Conseil d’Etat rappelle qu’il appartient au médecin en charge d’un patient hors d’état d’exprimer sa volonté de mettre en œuvre la procédure collégiale prévue par le code de santé publique[ii].
La procédure collégiale se traduit concrètement par la mise en place d’une concertation pluridisciplinaire entre le médecin responsable du patient, l’équipe de soins et le médecin consultant.
Elle poursuit un double objectif :
Le conseil constitutionnel a confirmé la légalité de la procédure collégiale[iii], estimant qu’elle ne porte atteinte ni au droit à la vie ni au droit à la protection de la vie privée et familiale.
Non. Si les parents doivent être associés à la prise de décision concernant leur enfant, la décision d’arrêt des traitements reste en tout état de cause médicale.
Lorsque le patient est mineur, le médecin doit s’efforcer de rechercher sa volonté en prenant en considération son âge et sa capacité de discernement. Il doit en outre recueillir l’avis des titulaires de l’autorité parentale (ou des tuteurs) et rechercher leur accord sur la décision à prendre.
La loi n’impose pas au médecin d’obtenir un consensus médical et familial pour mettre en œuvre une décision d’arrêt des traitements. En revanche, il appartient au médecin d’informer préalablement les parents ou les tuteurs de la décision afin de leur permettre d’exercer un recours.
La décision repose sur une évaluation collégiale et concertée de la situation du patient.
Cette évaluation porte sur « l’ensemble des éléments médicaux et non médicaux » et dépend des circonstances propres à chaque patient.
Le Conseil d’Etat précise que les éléments médicaux doivent couvrir une période suffisamment longue et porter notamment sur :
- l’état de santé actuel du patient ;
- son évolution depuis la survenance de l’accident ou de la maladie ;
- sa souffrance ;
- son pronostic clinique etc.
Précédemment, le Conseil d’Etat a confirmé la suspension de la décision d’arrêt des traitements (respiration et alimentation artificielle) d’un enfant atteint de lésions neurologiques graves, prise par l’équipe médicale de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille au motif notamment que « l’arrêt des traitements ne pouvait être regardé comme pris au terme d’un délai suffisamment long pour évaluer de manière certaine les conséquences des lésions neurologiques » [iv].
Dans la présence affaire, le Conseil d’Etat relève :
En outre, le Conseil d’Etat s’attache à vérifier le respect des conditions légales de mise en œuvre d’une décision d’arrêt des traitements :
La loi permet au médecin en charge d’un patient hors d’état d’exprimer sa volonté d’arrêter ou de ne pas mettre en œuvre un traitement, au titre du refus de l’obstination déraisonnable, lorsque les traitements apparaissent inutiles, disproportionnés ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie.
La loi confie au médecin responsable du patient la responsabilité de prendre la décision d’arrêter ou de ne pas entreprendre un traitement à l’issue de la procédure collégiale, permettant à l’équipe médico-soignante de vérifier le respect des conditions légales et médicales.
Ces conditions ont été modifiées en dernier lieu par la loi du 2 février 2016[v], laquelle a largement repris les apports de décisions antérieures du Conseil d’Etat dans l’affaire Lambert.
Concrètement, un médecin peut prendre une telle décision à une double condition :
Bien évidemment, la traçabilité de la prise en charge du patient, de la procédure de concertation mise en œuvre et de l’information des titulaires de l’autorité parentale dans le dossier patient conditionne la légalité d’une décision d’arrêt des traitements.
NOTES :
[i] Conseil d’Etat, Ordonnance 5 janvier 2018, Mme B… et M. D. n°416689
[ii] Articles L1111-4 et L1110-5-1 du code de santé publique
[iii] Décision QPC n°2017-632 2 juin 2017 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l’Union nationale des associations de familles traumatisés crâniens et cérébro-lésés.
[iv] Conseil d’Etat, Ordonnance du 8 mars 2017, n°408146, M. B et Mme S
[v] Loi n°2016-87 2 février 2016