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Recevabilité d'une contestation d'un titre exécutoire au delà du raisonnable d'un an : point de vue de la Cour de cassation

Le contentieux des titres exécutoires est un contentieux complexe en raison des particularismes qui tiennent à la fois à la nature de la créance, à l’auteur de la créance ainsi qu’à l’objet de la contestation.

Régulièrement, les contestations de titres exécutoires émis par l’Etat, une collectivité territoriale ou un établissement de santé sont sujet à débats sur leur recevabilité et le délai pour agir.

Aux termes d’un arrêt d’importance rendu le 8 mars 2023[i], l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation admet la redevabilité d’une action en justice contre un titre exécutoire au-delà du délai d’un an lorsqu’un redevable n’a pas été régulièrement informé des recours dont elle dispose pour contester le titre exécutoire.

Cette solution interpelle en ce qu’elle affecte à mon sens le principe de sécurité juridique et invite toutes les administrations à la plus grande prudence lors de l’émission des titres exécutoires.

Elle témoigne en outre d’une divergence entre les deux ordres de juridiction.

Rappel du cadre juridique relatif aux modalités de contestations des titres exécutoires

Les contestations des titres exécutoires émis par des collectivités ou des établissements de santé sont soumises à un principe de dualité de juridiction.

Tant le juge judiciaire que le juge administratif ont vocation à connaître ce type de contestation en fonction de la nature de la créance et de la contestation.

L’article L.1617-5 du code général des collectivités territoriales prévoit les règles en matière de contestation de titres émis par les collectivités et les établissements de santé, opérant un renvoi à l’article L.281 du livre des procédures fiscales pour les modalités de contestation portant sur la régularité d’un acte de poursuite.

L’article L.1617-5 du CGCT dispose ainsi :

« Les dispositions du présent article s'appliquent également aux établissements publics de santé.

1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur.

Toutefois, l'introduction devant une juridiction de l'instance ayant pour objet de contester le bien-fondé d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local suspend la force exécutoire du titre.

L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite.

La contestation qui porte sur la régularité d'un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. La revendication par une tierce personne d'objets saisis s'effectue selon les modalités prévues à l'article L. 283 du même livre.

3° L'action des comptables publics chargés de recouvrer les créances des régions, des départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de recettes.

Le délai de quatre ans mentionné à l'alinéa précédent est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des débiteurs et par tous actes interruptifs de la prescription.

4° Quelle que soit sa forme, une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable. L'envoi sous pli simple ou par voie électronique au redevable de cette ampliation à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître à la collectivité territoriale, à l'établissement public local ou au comptable public vaut notification de ladite ampliation.

Les modalités de notifications des vois et délais de recours. »

Ces dispositions délimitent l’objet des contestations relatives au recouvrement des créances non fiscales des établissements publics de santé, et partant, la compétence d’attribution, en distinguant celles qui portent :

-              Sur le bien-fondé des créances en cas de contestation de l’existence, du montant ou de l’exigibilité de la créance (entendue ici comme le droit d’en réclamer le paiement). Cette contestation implique l’examen du fait générateur, des bases de liquidation et de calcul de la créance

Les titres de perception et les actes de poursuites peuvent faire l’objet d’une opposition à exécution en cas de contestation de l’existence, du montant ou de l’exigibilité de la créance.

-              Sur la régularité formelle des poursuites telle que la validité en la forme d’un acte de poursuite (mise en demeure valant commandement de payer ou SATD) et l’absence de mesures préalables aux poursuites (lettre de relance) ou sur l’existence de l’obligation de payer, le montant de la dette compte-tenu des paiements déjà effectués et de l’exigibilité de la somme réclamée (au regard du délai de prescription) ou tout autre motif ne remettant pas en cause l’assiette et le calcul de la créance[i] 

Au regard de cette distinction, les textes précisent que les recours contre les décisions prises par l’administration sur ces contestations sont portés devant le juge administratif dans le premier cas, et devant le juge de l’exécution dans les autres cas[ii].

L'information sur les voies et délais de recours et les conséquences d'un défaut d'information ou d'une absence de notification

L’article R.421-5 du CJA dispose « Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. »

Il résulte des articles L.1617-5 du CGCT et R.421-5 du code de la justice administrative que le délai pour engager une action en justice contre un titre exécutoire ne peut commencer à courir que s’il comporte l’indication complète des voies de recours et du délai pour agir. Le non-respect de cette obligation ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie, est de nature à faire obstacle à ce que le délai de forclusion de deux mois soit opposable au débiteur[i].

Le Conseil d’Etat a fait évolué sa jurisprudence avec le Célèbre arrêt « CZABAJ », transposé au contentieux des titres exécutoires dans un arrêt du 9 mars 2018[ii] :

« Si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours ou l’absence de preuve qu’une telle information a été fournie ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par les textes applicables, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable. Sauf circonstances particulières dont se prévaudrait son destinataire, ce délai ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre exécutoire ou, à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance »

Or, la Cour de cassation admet qu’un recours puisse être exercé devant le juge judiciaire au-delà de ce délai raisonnable d’un an, refusant ainsi la transposition de la jurisprudence CZABAJ devant le juge judiciaire.

Dans son communiqué, la Cour de cassation précise

«La contestation d’un titre exécutoire passé ce délai reste acceptable car ce même juge tient compte des règles de prescription qui, en tout état de cause, imposent une limite dans le temps à l’exercice d’une voie de recours » (à l'image de la prescription quadriennale des créances publiques).

Si le juge judiciaire et le juge administratif n’adoptent pas une position similaire cela s’explique par l’application de règles différentes, chacun des deux ordres juridictionnels atteignent à sa manière le même objectif d’équilibre entre les parties "

Autrement dit, le refus de transposition de la jurisprudence CZABAJ traduit une différence d'approche technique des délais mais aussi des fondements devant guider la solution, qui est inhérente à la dualité de juridiction en matière de contestation de titres exécutoires.

[i] Cour de cassation, Société Cora contre Commune (concernant les titres exécutoires émis pour le paiement de la taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE), pourvoi n° 21-12560.

[ii] L'opposition à poursuite est régie par les dispositions combinées des articles L.1617-5 et L.281 du Livre des Procédures Fiscales.

[iii] Le Tribunal des Conflits rappelle cela dans ses décisions du 23 février 2004, Trésorier payeur général de la Haute Corse, n° 3366, et du 13 décembre 2004, M. Sauveur Chessa, Mme Alessandrine Chessa contre M. le trésorier principal de Vitrolles, n° 3411.

[iv] Conseil d'État, 8ème et 3ème chambres réunies, 9 mars 2018, n° 401386 ; 16 avril 2019, n° 422004 ; 2ème chambre civile, 8 janvier 2015, pourvoi n° 13-327.678 ; CE, 23 septembre 1987, Ministre du travail contre Société « Ambulances 2000 » ; Cassation Commerciale, 23 octobre 2007, n° 06-15.994.

[v] Conseil d'État, chambres réunies de la 3ème et de la 8ème, le 9 mars 2018, n°401386.

 

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