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De l'intérêt de recourir à une expertise technique dans le cadre des contentieux T2A ?

Le code de la sécurité sociale institue une expertise technique spécifique « Lorsque le différend fait apparaître en cours d'instance une difficulté d'ordre technique portant sur l'interprétation des dispositions relatives à la liste des actes et prestations prévue par l'article L. 162-1-7[1]»[2].

Elle est confiée à un expert spécialisé.

En dépit de la réforme structurelle du contentieux de la sécurité sociale opérée par la loi n°2012-1547 de modernisation de la justice du XXIième siècle, le code de la sécurité sociale maintient la possibilité de recourir à l’expertise technique[3].

Dans quels cas apparaît-il opportun de recourir à une mesure d’expertise technique ? Est-elle de droit ? Quels sont les paramètres à prendre en considération avant de solliciter une telle mesure ?

L’expertise technique, peu utilisée en pratique, n’est pas une solution miracle et soulève plusieurs difficultés qu'il convient d'apprécier.

UNE EXPERTISE TECHNIQUE EST-ELLE ADMISE EN TOUTE CIRCONSTANCE ? NON

Au regard de la jurisprudence, la désignation d’un expert, « avant dire droit », apparaît souhaitable dès lors que les désaccords soulèvent une difficulté d’ordre technique telle que l’application faite par les médecins contrôleurs de l’assurance maladie des règles de codage issues du guide méthodologique.

Ainsi, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, par un arrêt du 4 novembre 2015, a accordé une demande d’expertise technique en application des dispositions des articles L.141-2-1 et R.142-24-3 (dans leur rédaction applicable à l’espèce), dans la mesure où le litige fait apparaître une difficulté d’ordre technique portant sur l’interprétation des règles de codage[4].

D’autres arrêts sont également venus confirmer la nécessité de recourir à l’expertise technique dans des litiges relatifs à l’interprétation de la nomenclature des actes professionnels dans le cadre des contrôles d’activité des professionnels libéraux[5].

L’EXPERTISE TECHNIQUE EST-ELLE DE DROIT ? NON

L’article R.142-16 du code de la sécurité sociale tend à rappeler que « la juridiction peut ordonner toute mesure d'instruction ».

Il résulte des articles L. 142-10-2 (ancien article L.142-2-1, abrogé au 1er janvier 2022) et R.142-17-3 (ancien article R.142-24-3) que la juridiction peut ordonner une expertise technique.
Selon ces dispositions, le recours à l’expertise technique est facultatif.

Par ailleurs, le Président dispose du pouvoir d'apprécier l'opportunité d'une telle mesure sans être lié par la demande des parties[6].

Enfin, la jurisprudence tend à limiter le recours à l’expertise technique dans les contentieux T2A, en se fondant notamment sur la « nature administrative » du contrôle d’activité.

C’est en ce sens que s’est prononcée la Cour de cassation dans un arrêt du 13 octobre 2011[7].

Dans cette affaire, le désaccord relevé entre les médecins contrôleurs et le DIM porte sur la réunion des conditions réglementaires de facturation et le recours à une hospitalisation pour la réalisation d’actes relevant, selon les médecins contrôleurs, d’actes et soins externes devant être cotés en application de la classification commune des actes médicaux (CCAM).

La Haute juridiction rejette la demande d’expertise en raison du caractère administratif et non médical du contentieux estimant que l’appréciation de la justification d’une hospitalisation était « sans incidence sur le droit de la caisse à récupérer les sommes versées à la suite de la facturation d’un GHS ».

Bien que cette solution suscite les plus grandes réserves (tant au regard des modalités concrètes de contrôle que des difficultés d’interprétation de la « Circulaire Frontière »), elle incite à être rigoureux dans la motivation d’une demande d’expertise technique.

Il convient de démontrer que le différend relève du champ d'application des dispositions susvisées au regard de la nature des désaccords relevés. C'est pourquoi, le juge doit, à mon sens, être suffisamment éclairé au fond pour statuer sur l'opportunité d'une expertise technique.

COMMENT ÉVALUER  EN AMONT L’OPPORTUNITÉ DE RECOURIR À UNE EXPERTISE TECHNIQUE ?


Il va sans dire que les contrôles T2A sont des contentieux particulièrement techniques nécessitant l’arbitrage d’un médecin expert maîtrisant les règles du PMSI, indépendant des organismes de sécurité sociale et de l’Unité de Coordination Régionale, et compétent pour trancher les difficultés d’interprétation médicale du dossier pour poser et coter un diagnostic.

A mon sens, le recours à l’expertise technique peut constituer un moyen d’optimiser la défense des établissements de santé dans la mesure où d'une part, le recours à l’ATIH est contingenté par Région et que d'autre part, dans la pratique contentieuse, l'avis des médecins contrôleurs est difficilement réfutable en l'absence de mesure d'instruction.

En d'autres termes, elle apparaît comme étant de de nature à rétablir une certaine égalité des armes entre les organismes de sécurité sociale et les établissements de santé.

Toutefois, vous l’aurez compris, l’expertise n’est pas le remède miracle à toutes les difficultés rencontrées dans le cadre des contrôles d’activité et des contentieux liés.

Par ailleurs, elle n’a pas pour effet de pallier la carence probatoire d’une partie.

L’établissement de santé, sur qui pèse la preuve de la conformité de la facturation et des codages de diagnostics, devra avant tout s’assurer qu’il est en mesure de justifier sa position au regard des éléments du dossier patient.

Le recours à l’expertise technique s’apprécie bien évidemment au regard de l’enjeu financier et des chances de succès (l’avis du DIM est-il justifié au regard du dossier patient ? Est-il corroboré par des recommandations de bonnes pratiques, la littérature médicale ou des avis de l’ATIH ? Les règles de codage appliquées par les médecins contrôleurs étaient-elles applicables aux séjours facturés ? Les médecins contrôleurs font-ils une application conforme des règles de codage ?).

Cependant, d’autres paramètres sont à prendre en considération.
- l'allongement de la durée de la procédure lorsqu'elle est ordonnée sachant que les délais d’audiencement sont de l’ordre de deux à trois ans selon les juridictions ;
- les frais supplémentaires engendrés par la mesure d'instruction, étant rappelée que la partie qui succombe peut-être condamnée à régler les frais d'expertise (condamnation aux dépens).

Enfin, il convient de relever que le juge n'est pas, au regard des textes, lié par l'expertise.


[1]Article L.162-1-7 du code de la sécurité sociale : La prise en charge ou le remboursement par l'assurance maladie de tout acte ou prestation réalisé par un professionnel de santé, dans le cadre d'un exercice libéral ou d'un exercice salarié auprès d'un autre professionnel de santé libéral, ou en centre de santé, en maison de santé ou dans un établissement ou un service médico-social, ainsi que, à compter du 1er janvier 2005, d'un exercice salarié dans un établissement de santé, à l'exception des prestations mentionnées à l'article L. 165-1, est subordonné à leur inscription sur une liste établie dans les conditions fixées au présent article. L'inscription sur la liste peut elle-même être subordonnée au respect d'indications thérapeutiques ou diagnostiques, à l'état du patient ainsi qu'à des conditions particulières de prescription, d'utilisation ou de réalisation de l'acte ou de la prestation. Lorsqu'il s'agit d'actes réalisés en série, ces conditions de prescription peuvent préciser le nombre d'actes au-delà duquel un accord préalable du service du contrôle médical est nécessaire en application de l'article L. 315-2 pour poursuivre à titre exceptionnel la prise en charge, sur le fondement d'un référentiel élaboré par la Haute Autorité de santé ou validé par celle-ci sur proposition de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie.
[2] Ancien article R142-24-3 CSS, devenu l’article R. 142-17-3 CSS à compter du 1er janvier 2019.
[3] Le décret « procédure » n°2018-928 du 29 octobre 2018 abroge l’article R.142-24-3 et créé l’article R.142-17-3 qui maintient la faculté de mettre en œuvre une expertise technique confié à un expert spécialisé dans tous les litiges faisant apparaître une difficulté d’ordre technique.
[4] Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 4 novembre 2015, n°14/10897 APHM c/ CPAM BOUCHES-DU-RHONE.
[5] En ce sens, Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 16 octobre 2013 n°12/15053 : à propos de la cotation des actes d’un infirmier libéral.
Cass, Civ. 2ème 19 janvier 2006, n°04-30413 : à propos de la cotation d’actes d’anesthésie réanimation.    
[7] Civ. 2ème 13 octobre 2011 10-21.741
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